L’hypospadias : symptômes, causes et traitement

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L’expert : Docteur Matthieu Peycelon, urologue pédiatre

Les anomalies de l’appareil génital sont en augmentation dans de nombreux pays. L’anomalie de l’urètre la plus courante est l’hypospadias. « Il s’agit d’un problème de santé assez fréquent puisqu’il touche entre 1 enfant sur 300 et 1 enfant sur 500 », souligne le Dr Matthieu Peycelon, urologue pédiatre à l’Hôpital Universitaire Robert Debré, à Paris. Ce phénomène est en forte hausse depuis plus de vingt ans.

Définition et symptômes : qu’est-ce que l’hypospadias ou verge hypospade ?

L’hypospadias, également appelé verge hypospade, résulte d’un défaut du développement du pénis entre la huitième et la quatorzième semaine de grossesse. Cette malformation congénitale de l’appareil urogénital des enfants de sexe masculin concerne notamment une anomalie de position de leur méat urétral, l’orifice externe qui permet d’uriner. Celui-ci n’est pas situé à l’extrémité du pénis, mais ailleurs le long du canal urinaire. L’enfant n’urine pas alors par le haut du pénis mais par la face ventrale, en direction de ses testicules. « L’hypospadias se manifeste par un orifice pour uriner qui n’est pas placé au bon endroit. Mais c’est finalement l’ensemble de la verge qui est mal formé, avec un gland ouvert, de plus petite taille et des corps caverneux (les parties du pénis qui permettent d’être en érection) qui sont malformatifs (incomplets le plus souvent, entraînant une courbure en érection) », ajoute le chirurgien pédiatrique.

Outre la position anormale du méat urétral, on note en effet également un développement insuffisant du prépuce et une possible courbure de la verge (cette particularité s’appelle chordée).
Si l’hypospadias en tant que tel n’est pas dangereux pour la santé du petit garçon, il peut occasionner une miction anormale, affecter l’apparence de la verge et son fonctionnement, aussi bien pour uriner que pour avoir des rapports sexuels plus tard.

Malformation du pénis et de l’urètre : quelles sont les causes de l’hypospadias congénital ?

Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer l’origine de l’hypospadias. Il n’y a pas un facteur de risque unique clairement identifié. Il s’agit plutôt d’une accumulation de facteurs. Les quatre facteurs principaux susceptibles de provoquer un hypospadias sont d’ordre :

– génétiques : l’hypospadias peut avoir un caractère héréditaire. Cela représenterait 10% de la totalité des cas d’hypospades. « Des recherches très poussées sur l’hypospadias ont permis de dévoiler qu’il y avait plus de 150 gènes impliqués. Ces gènes sont très sensibles à l’environnement parental, mais également péri-conceptionnel. Cette influence peut remonter à trois ou quatre mois avant la fécondation, au moment de la conception des gamètes mâles et femelles (les spermatozoïdes de l’homme et l’ovocyte de la maman) », explique le Dr Matthieu Peycelon.

– environnementaux : la pollution des eaux, de l’air, des sols, le tabac, l’alcool et les perturbateurs endocriniens ou molécules œstrogènes-like augmentent les risques d’hypospadias en abîmant les gamètes et la conception de cet organegénital externe. « On a l’impression que l’hypospadias, c’est une hypovirilisation de la verge. C’est une verge un peu plus petite que la norme, avec un trou qui se rapproche des bourses. Il y a eu des études sur le rôle de l’alimentation végétarienne chez les mamans ou l’exposition à des laques ou crèmes pendant la grossesse. On s’est rendu compte qu’il n’y avait rien de très significatif, et ça ne mérite surtout pas de stigmatiser l’un des parents », ajoute le Dr Peycelon.

– vasculaires : les jumeaux, les enfants de petits poids à la naissance et les prématurés sont plus sujets à l’hypospadias. Les organes génitaux externes des enfants nés prématurément n’ont pas toujours eu le temps de terminer leur croissance. Ceux-ci se forment en effet jusqu’à la fin du deuxième trimestre de grossesse.

Les grossesses faisant l’objet d’une pré-éclampsie et d’une insuffisance vasculaire d’origine placentaire ont plus de risque de favoriser un hypospadias. Si le sang arrive de manière insuffisante dans le placenta pour irriguer tous les vaisseaux du fœtus en formation, les vaisseaux les plus fins, dont l’artère pénienne, sont ceux qui sont le plus à même d’être mal desservis.

– hormonaux : outre les facteurs endocriniens liés à l’environnement, il existe des facteurs hormonaux propres à chacun. Un enfant trop exposé à des œstrogènes, ou pas assez à de la testostérone peut avoir un hypospadias. Les grossesses sous pilule, l’utilisation de Distilbène, le recours à un traitement médicamenteux avant ou pendant la grossesse (Clomifène, hormone folliculo-stimulante, anti-inflammatoires non stéroïdiens…) peuvent aussi favoriser cette anomalie.

L’exposition du fœtus à ces facteurs environnementaux et ces perturbateurs endocriniens participe très certainement à cette augmentation de la prévalence de l’hypospadias. Mais le surdiagnostic est une autre raison de cette hausse des cas répertoriés au cours de ces dernières années. « Les pédiatres et les chirurgiens sont très alertés sur la taille et la forme de la verge, alors qu’il y avait quelques anomalies ou variations possibles par le passé qui n’ont pas été diagnostiquées et corrigées », précise le spécialiste.

Des conséquences variables selon le type d’hypospadias (balanique, pénien, péno-scrotal…)

Il existe deux grands types d’hypospadias regroupant chacun différentes formes cliniques d’hypospadias : les hypospadias distaux qui sont les plus fréquents et les hypospadias proximaux, qui sont les cas les plus complexes.

Les hypospadias distaux concernent notamment les hypospadias balaniques. Le méat urétral est situé presque au bout de la verge, avec une ouverture sous le gland, ou sur le tiers distal. Les conséquences sont plutôt d’ordre cosmétique et urinaire, avec des mictions parfois difficiles qui vont vers le bas.

Les hypospadias proximaux présentent un méat urétral situé sur le corps du pénis. Il peut s’agir d’un hypospadias pénien caractérisé par une ouverture au milieu du pénis, ou bien d’un hypospadias péno-scrotal avec une ouverture au niveau du scrotum. Ces hypospadias rentrent dans les variations du développement génital et s’associent soit à l’absence d’un ou des deux testicules, soit à leur mauvaise descente (ectopie testiculaire).
Ces hypospadias sont plus sévères et plus difficiles à prendre en charge, et présentent des conséquences plus importantes : infections urinaires, difficultés à uriner, à avoir des érections, hypofertilité à l’âge adulte…

Comment soigner l’hypospadias et quand opérer ?

Les hypospadias distaux représentent 80 % des cas. Il est possible de réparer ces désagréments principalement esthétiques, si les parents le souhaitent. Les médecins proposent alors une chirurgie dans les premiers mois de vie de l’enfant, quand il est âgé de 12 à 18 mois. C’est un moment jugé propice en raison du boom hormonal qui caractérise cette période, des facteurs de croissance et de cicatrisation. Cela permet aussi de réaliser l’opération avant que l’enfant n’ait acquis la propreté, pour une récupération post-opératoire en couche. Toutefois, la chirurgie peut aussi être réalisée plus tard.

Pour les 20 % de cas les plus complexes, la décision de l’opération est encadrée par plusieurs spécialistes. « Ces interventions chirurgicales sont tellement difficiles qu’elles entraînent parfois beaucoup de regrets de la part des adolescents et jeunes adultes. C’est un sujet extrêmement débattu actuellement dans la société. Une frange de la population considère ces variations de la norme comme des choses que l’on ne devrait pas proposer de réparer, puisque l’enfant ne donne pas son avis. Cette position peut se comprendre car il ne s’agit pas de chirurgie fondamentale. Mais que faire en attendant que l’enfant soit en âge de choisir et quelles seront pour lui les répercussions d’une absence d’opération ? Délivrons aux parents un discours le plus objectif possible et proposons un suivi médical, chirurgical et psychosocial au long cours pour que les parents aient la possibilité de décider ce qu’ils souhaitent pour leur enfant », suggère le Dr Peycelon.

Circoncision et hypospadias

Il est contre-indiqué de faire circoncire son enfant en cas d’hypospadias, car son prépuce sera utilisé lors de la chirurgie de correction.

Hypospadias : combien de temps dure l’opération ?

L’intervention chirurgicale a pour objectif de corriger la courbure de la verge, le positionnement du méat urétral, de reconstruire la face ventrale du pénis et de permettre la réparation de la peau autour du méat urétral. Elle se pratique sous anesthésie générale et fait appel à différent types de réparations de l’urètre, selon l’anatomie de l’hypospadias.

L’hospitalisation ambulatoire est de plus en plus utilisée pour les hypospadias distaux. L’opération dure de 1 heure 30 à 2 heures, et le patient ressort le soir avec un pansement et une sonde tutrice, qui sera enlevée 48 heures plus tard en consultation.

Pour les opérations d’hypospadias sévères, l’enfant est opéré pendant 3 à 5 heures. Il ressort le plus souvent avec deux sondes (une tutrice et un cathéter sus-pubien), et un pansement à conserver ou à refaire entre 2 jours et trois semaines, selon les habitudes des services.

Des complications fréquentes suite à la chirurgie

Le résultat final de l’intervention chirurgicale est généralement bon. Mais l’opération de l’hypospadias présente un risque de complications à prendre en considération. Il peut ainsi y avoir des sténoses et des fistules. « Selon les équipes, ce type d’intervention chirurgicale a entre 3 et 15 % de complications. Pour l’hypospadias proximal, on peut avoir jusqu’à un enfant sur deux qui doit être réopéré de façon « logique » une seconde fois, pour avoir une verge droite avec un méat le plus haut possible, une miction et une érection de qualité et esthétiquement acceptable », conclut le chirurgien.



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