Avec le dr Raphaël Sebag, Pédiatre spécialiste en néonatalogie
Définition : Qu’est-ce que le syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) et quelles en sont les causes ?
Selon Santé Publique France, cette maladie est la première cause de handicap mental non génétique. Il s’agit d’une intoxication du fœtus liée à la consommation d’alcool de sa mère durant la grossesse. L’éthanol – la molécule présente dans les boissons alcoolisées, – franchit la barrière du placenta et se retrouve directement dans le sang du bébé.
Une molécule qui s’avère être extrêmement toxique pour le développement de son cerveau, provoquant, la plupart du temps, des anomalies neurologiques. Celles-ci se répercutent sur le quotidien de l’enfant dès son plus jeune âge (retard de croissance, troubles du comportement…).
C’est en 1968 que le médecin nantais Dr Paul Lemoine découvre le lien entre l’alcoolisation de la mère et les troubles de l’enfant. Il établit le tableau clinique de 127 enfants placés en pouponnière, issus de 62 « familles alcooliques », ayant eu une exposition prénatale à l’alcool et souffrant de ce fameux syndrome de l’alcoolisation fœtale.
Certains symptômes du syndrome d’alcoolisation fœtale sont repérables dès l’échographie du troisième trimestre de la grossesse, d’autres surviennent plus tardivement.
Parmi ces derniers, on retrouve :
- un retard de croissance qui se répercute sur le poids, la taille, le périmètre crânien in utéro
- une malformation de certains organes vitaux
- une dysmorphie faciale (une lèvre supérieure relativement mince, des petits yeux, un sillon naso-labial lisse)
- des troubles de la mémoire
- un retard psychomoteur (même en cas de QI normal)
- des troubles de l’apprentissage
- des troubles du langage
- une hyperactivité
- des difficultés d’adaptation sociale (troubles du comportement)
Les bébés exposés durant toute la grossesse à une très grande quantité d’alcool ont, pour la plupart, ce qu’on appelle un SAF complet, il s’agit de la forme la plus sévère. Ils peuvent, dès leur naissance être soumis à un sevrage. Celui-ci peut être à l’origine de plusieurs symptômes dont l’irritabilité, les tremblements, les troubles de l’alimentation ou encore la diarrhée.
Tous les enfants souffrant de troubles causés par l’alcoolisation fœtale sont également plus à risque concernant la mort subite du nourrisson.
Un manque de connaissance du syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF)
Selon une enquête OpinionWay réalisée l’an passé, pour l’association SAF France seulement 42 % des Français déclarent avoir connaissance des troubles causés par l’alcoolisation fœtale. Nombreux sont ceux pensant qu’un petit verre ne présente aucun risque pour une femme enceinte. Selon les données du gouvernement, entre 10 et 30 % des femmes continuent à consommer au moins occasionnellement de l’alcool pendant leur grossesse.
La réalité est tout autre. En effet, l’exposition prénatale à l’alcool due à la consommation d’une seule et unique boisson alcoolisée durant la grossesse peut suffire à ce que l’enfant ait des troubles à vie.
« Chaque prise d’alcool par la maman est un risque. Tout ce qu’elle consomme est directement ingéré par le bébé dans les mêmes quantités. Les effets sont évidemment plus grave pour le fœtus qui conserve beaucoup plus longtemps la substance dans le liquide amniotique. Cela provoque un bouleversement dans le développement de son cerveau et ses neurones. » déclare le Dr Sebag.
L’Institut National de Prévention et d’Éducation pour la Santé (Inpes) préconise donc aux femmes enceintes de ne consommer aucune boisson alcoolisée durant la grossesse.
Traitement : la prise en charge des bébés souffrant de troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF)
C’est un suivi particulier qui attend les enfants atteints par ces troubles dès la petite enfance. « Le suivi d’un enfant avec des TCAF par un pédiatre spécialisé doit être très précoce et assidu, surtout d’un point de vue psychomoteur » précise le Dr Sebag. Les enfants ont besoin de soutien de la part des parents et des professionnels de santé.
Le pédiatre en charge du bébé souffrant de troubles causés par l’alcoolisation fœtale doit être formé au diagnostic des troubles du développement. Il doit effectuer sur son patient dès le plus jeune âge, des vérifications régulières de différentes données dont :
• son périmètre crânien
• son développement moteur
• son développement cognitif
• sa capacité d’apprentissage
• sa capacité d’adaptation sociale avec les autres enfants (capacité de jugements, contrôle de soi, positionnement social…)
Les troubles étant à vie, il est essentiel de le faire accompagner le plus tôt possible par des professionnels de santé spécialisés (orthophoniste, psychomotricien, psychologue). Il apprendra ainsi à mettre de côté ses lacunes et à les surmonter dès la petite enfance.
Nombreux adultes atteints de TCAF et n’ayant pas eu l’accompagnement adéquat sont aujourd’hui confrontés à des problèmes avec la justice, avec l’alcool ou les drogues, des troubles mentaux ou encore des comportements sexuels inconvenants.
Prévention : comment lutter contre les troubles causés par l’alcoolisation fœtale (TCAF)?
La journée mondiale de la sensibilisation aux troubles de l’alcoolisation fœtale a été créée pour sensibiliser le grand public et les femmes enceintes aux risques liés à la consommation d’alcool durant la grossesse. Par ailleurs, l’association SAF France a mis en place ce qu’ils appellent le SAFTHON (téléthon du Syndrome de l’alcoolisation fœtale). Ils y expliquent ainsi en quoi l’exposition prénatale à l’alcool peut être grave pour le développement du fœtus et ce que cela engendre (retard de croissance, troubles du comportement, échecs scolaires…).
Ce dernier a pour but d’aider les personnes touchées par cette cause (parents et enfants dès la petite enfance) ainsi que de mieux former les professionnels de santé aux spécificités de ce handicap et aux éventuels traitements.
Nos remerciements au Dr Raphaël Sebag, pédiatre spécialiste en néonatalogie à l’Hôpital Armand Trousseau pour sa contribution sur ce sujet.