
C’est l’ingrédient secret des Etats pour fabriquer l’« argent magique ». Depuis la crise de 2008, emprunter ne coûte quasiment rien à l’Etat. Dans les comptes publics, la charge de la dette, autrement dit les intérêts payés chaque année par l’Etat, n’a quasiment pas cessé de baisser depuis 2011, formant un curieux paradoxe : plus la dette augmente, moins elle coûte.
Alors que la dette française s’est accrue de 1 000 milliards d’euros en dix ans pour avoisiner 3 000 milliards d’euros en 2022, la charge de la dette, elle, a reculé de près de 10 milliards d’euros, atteignant un point bas en 2020. La baisse des taux d’intérêt, régulièrement négatifs entre 2019 et 2021, a absorbé de façon systématique l’augmentation du stock de dettes, à mesure que les titres émis étaient renouvelés sur les marchés. Une configuration exceptionnelle qui a permis aux gouvernements successifs de financer leurs promesses sans difficultés, tout en affichant année après année des économies de plusieurs milliards d’euros dans le budget.
Risque d’un tour de vis monétaire
En 2021, l’Etat prévoyait ainsi de se financer pour la première fois davantage par la dette que par l’impôt, comme l’a souligné le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson, dans son rapport sur le projet de loi de finances. Un miracle rendu possible par la politique monétaire extraordinairement accommodante de la Banque centrale européenne (BCE), décidée à soutenir les finances des Etats européens pour préserver la cohésion de la zone euro après la crise des subprimes.
Seulement voilà. Le Covid-19, puis la guerre en Ukraine ont fait redémarrer l’inflation, et, avec elle, le risque d’un tour de vis monétaire de la BCE, dont le mandat est d’abord de contenir la hausse des prix. Une partie de la dette française – environ 10 % – est en effet indexée sur l’inflation française et européenne, ce qui la rend sensible aux variations observées depuis l’automne. Un point d’inflation renchérit le coût de la dette de 2,5 milliards d’euros.
Cela a commencé à se répercuter dans le prix auquel la France se finance. Le coût de la dette a repris sa progression l’an dernier pour la première fois depuis 2011. Selon une note de l’Insee parue fin mars, la charge d’intérêts a grimpé de 15 % l’an dernier par rapport à 2020, soit 5 milliards de plus en un an, à 38,1 milliards d’euros. Elle avait reculé d’à peu près autant l’année précédente. Mais la situation évolue très vite : à l’automne 2021, lors du débat sur la loi de finances pour 2022, Bercy a dû ajouter par amendement plus d’un milliard de crédits pour la charge de la dette, à 39,5 milliards d’euros.
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