
Le 19 mai, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu un arrêt « fondamental » dans l’histoire des droits des personnes intersexes, d’après Mila Petkova, avocate au barreau de Paris et conseil dans l’affaire de M. contre France. La CEDH était appelée à se prononcer sur la plainte de Mö, qui accuse la France de lui avoir refusé l’accès à un procès alors qu’elle a porté plainte en 2015 pour « violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sur mineur de 15 ans ou personne vulnérable ». Elle estime par ailleurs que ces violences vont à l’encontre de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme stipulant que « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».
Mö est née en situation d’intersexuation avec un caryotype XY et des organes génitaux internes et externes masculins et féminins. Elle a subi de multiples chirurgies et traitements hormonaux pendant l’enfance et à l’adolescence pour la faire « correspondre physiquement au sexe féminin », dont une ablation de ses testicules pourtant sains. Souffrant de troubles psychiatriques, psychologiques et physiologiques, elle a été reconnue comme travailleuse handicapée.
Si la CEDH a jugé sa plainte irrecevable – estimant que Mö n’a pas épuisé tous les recours auprès de la justice française – , et ne s’exprime pas sur le fond de l’affaire, elle rappelle, entre autres, que l’absence d’intention de nuire des médecins ne suffit pas à réfuter la qualification de mauvais traitement. Et qu’un acte médical sans nécessité thérapeutique ni consentement est « susceptible de constituer un mauvais traitement ». Surtout, la nécessité thérapeutique doit être « démontrée de manière convaincante ». « Elle donne, pour la première fois de son histoire, tout un raisonnement qui permet d’en déduire que les actes subis par Mö en raison de son intersexuation correspondent à des mutilations », explique Mila Petkova. L’avocate insiste, la CEDH n’en avait pas l’obligation et aurait pu se contenter de statuer sur la recevabilité de la plainte.
Bonne foi
Alors que le Collectif intersexe activiste (CIA) se dit « extrêmement déçu que justice n’ait pas été rendue à Mö », il se réjouit de cette partie de l’arrêt qui pourrait ouvrir la voie à de futures condamnations en cas de plaintes. « La France est désormais prévenue », estime Marie (le prénom a été changé), l’une de ses membres. « Cette décision va sonner aux oreilles des juristes des ministères de la santé et de la justice français », assure-t-elle.
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