Sur la façade du bâtiment, les trois lettres en rouge – SCA, pour « Svenska Cellulosa Aktiebolaget », le géant suédois du papier – rappellent l’histoire des lieux. Ici, sur les bords du golfe de Botnie, à 380 kilomètres au nord de Stockholm, dans la commune de Sundsvall, jusqu’à 800 ouvriers travaillaient dans la papeterie d’Ortviken.
Inaugurée au milieu des années 1950, elle n’a pas résisté au déclin de la vente des journaux imprimés. En 2020, SCA a décidé de recentrer sa production sur la pâte à papier. Au total, 700 employés ont été licenciés.
Pour quatre-vingts d’entre eux, la reconversion a été rapide. Ils se sont fait embaucher par la jeune pousse Renewcell, qui venait de s’installer dans les locaux cédés par SCA, avec une ambition : révolutionner le secteur de la mode, en fabricant de la cellulose à partir d’habits usagés. Une technique mise au point par des chercheurs de l’Institut royal de technologie (KTH), à Stockholm, qui permet de transformer de vieux vêtements en de nouveaux textiles, grâce à un processus de recyclage chimique inspiré de l’industrie du bois.
Inaugurée le 10 novembre 2022 à Sundsvall, l’usine, conçue pour une production industrielle, est la première de ce genre dans le monde. « Nous allons commencer par produire 60 000 tonnes de pulpe dissolvante, soit suffisamment pour fabriquer l’équivalent de 300 millions de tee-shirts, mais nous visons déjà le double pour fin 2023, et 360 000 tonnes à l’horizon 2030 », explique Kristina Elg Christoffersson, directrice chargée du développement technologique chez Renewcell.
Le hall du bâtiment est rempli de ballots de vieux vêtements. Des jeans surtout, de toutes les couleurs. Déjà triés, les habits arrivent par bateau dans le port de Sundsvall, à bord de conteneurs. Seule condition : pour pouvoir être recyclés dans l’usine de Renewcell, ils doivent contenir au moins 95 % de coton. « Nous développons notre procédé pour pouvoir prendre jusqu’à 10 % de matière synthétique, mais c’est la limite : au-delà, ce n’est plus rentable pour notre modèle économique », précise Kristina Elg Christoffersson.
Première étape : les fripes sont placées sur trois tapis roulants, au bout desquels se trouvent des broyeurs, qui les réduisent en confettis de deux centimètres de diamètre. A la sortie, le tas moutonneux passe sous un énorme aimant, puis sous un souffleur : boutons, fermetures Eclair et autres ornements sont mis de côté. Ne reste plus alors qu’un duvet riche en coton, qui va être traité chimiquement, pour produire une pâte.
Il vous reste 75.97% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.