Les futurs vacanciers qui envisagent, cet été, de louer une maison à des particuliers peuvent-ils faire confiance au spot publicitaire d’Abritel, actuellement diffusé sur les chaînes de télévision ? Il montre des familles prenant joyeusement possession de villas avec piscine, tandis qu’une voix off féminine assure : « Vous ne partiriez pas en vacances avec des inconnus… Alors pourquoi partager votre maison de vacances avec eux ? » La voix précise : « Ce qui distingue une maison de vacances Abritel ? Vous avez toute la maison rien que pour vous… »
M. et Mme X, eux, ne peuvent plus y croire, et pour cause : le 28 juillet 2018, après avoir acquitté la somme de 5 361 euros, pour un séjour de deux semaines dans une « belle bastide, proche Luberon, avec piscine privative », ils découvrent, sur place, qu’ils seront logés dans une grange attenante à la bastide, et qu’ils devront partager la piscine avec des inconnus et un chien, animal auquel leur fils est allergique. Le gardien qui les accueille les prévient que, « pour accéder à la piscine, il faudra éviter de longer la maison principale, pour ne pas importuner » ses occupants. Ils préfèrent partir et réclamer leur remboursement.
La loueuse, Mme Y, faisant la morte, ils demandent à Abritel d’intervenir auprès d’elle. Mais ils se heurtent à un refus : les conditions générales d’utilisation (CGU) de HomeAway, société détentrice de la plate-forme Abritel, et filiale de l’américain Expedia, précisent en effet : « HomeAway ne sera aucunement partie au contrat de location et (…) n’a aucune responsabilité envers vous pour la mise à disposition de la location par l’hôte. En notre qualité d’hébergeur, nous n’approuvons, ne soutenons ni ne garantissons d’aucune manière l’authenticité, l’exactitude ou la fiabilité des informations contenues dans les annonces du site… »
« Aile indépendante »
Les X décident, « pour le principe », de saisir la justice. Leur avocate, Me Aurélie Kamali-Dolatabadi, adresse une mise en demeure à la loueuse, qui ne répond toujours pas, mais qui modifie son annonce et ses photos sur Abritel : ce n’est plus une « belle bastide » qu’elle propose (celle-ci étant réservée à sa famille), mais « une aile indépendante au sein d’une belle propriété ». Me Kamali-Dolatabadi transmet les captures d’écran « avant-après » au tribunal d’instance d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône).
Elle soutient non seulement que la location n’était pas conforme à l’annonce, ce qui justifie l’annulation du contrat, mais qu’en plus, la non-conformité était voulue, comme le prouve la modification de l’annonce. Autrement dit, la loueuse a menti sur le bien qu’elle mettait en location, pour amener les vacanciers à contracter, ce qui caractérise un dol.
Le tribunal d’instance d’Aix-en-Provence approuve ce raisonnement, le 8 novembre 2019. Il condamne Mme Y à restituer le prix de la location, et à payer en sus 500 euros, pour réparer le « dommage moral » subi par les X, qui ont « dû modifier dans l’urgence leur programme de vacances ». Mme Y fait appel, mais la décision est confirmée, le 19 octobre 2022. La cour d’Aix-en-Provence juge que Mme Y « a délibérément menti » aux X, qui, « s’ils avaient eu connaissance de la réalité des faits, n’auraient pas contracté », comme le prouve leur départ immédiat, le 28 juillet 2018.
Le Monde a transmis cette décision à HomeAway et demandé comment il est possible de concilier la publicité pour Abritel et des conditions générales d’utilisation qui déchargent la plate-forme de toute responsabilité sur le contenu qui y est publié.
Voici un extrait de la réponse : « L’annonce publicitaire actuelle et nos conditions générales se rapportent à l’hébergement, et non à l’ensemble de la propriété sur laquelle le logement est situé. Parfois, une propriété peut avoir certains espaces partagés comme une piscine ou un court de tennis, et ces éléments ne constituent pas une violation de notre politique “une maison rien que pour vous” »… Certes, mais HomeAway ne vérifie pas que c’est précisé.