« Les militants du climat sont dans leur rôle d’alerter », estime Elisabeth Borne

L’assemblée générale (AG) annuelle de TotalEnergies s’est ouverte, vendredi 26 mai, vers 10 heures, en dépit de tentatives de blocage par des militants du climat. Des dizaines de militants ont tenté, dès l’aube, de pénétrer dans le tronçon de rue passant devant la Salle Pleyel, où se tient l’AG du groupe, à Paris. Quelques-uns d’entre eux, qui s’étaient assis devant l’entrée, ont été délogés par la police, donnant lieu à des échauffourées. Les policiers ont également fait usage de bombes lacrymogènes.

« Nous le regrettons, nous avons dû prendre des mesures exceptionnelles tant dans l’appel aux forces de l’ordre que d’un contrôle strict d’accès à cette assemblée, a déclaré le président-directeur général de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, en ouvrant la séance. Un certain nombre d’organisations ont annoncé vouloir perturber l’assemblée et nous avons donc pris des mesures pour qu’elle puisse se dérouler dans les meilleures conditions possibles. »

Elisabeth Borne a estimé, de son côté, que « les militants du climat » étaient « dans leur rôle d’alerter et de dire qu’il faut accélérer ». « C’est ce que porte aussi le gouvernement : il faut que tous nous accélérions sur la transition écologique », a déclaré la cheffe du gouvernement en marge d’un déplacement en Côte-d’Or, reconnaissant au groupe pétrolier d’avoir « engagé sa transition vers les énergies renouvelables ». Dans la matinée, la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, avait également appelé le groupe à aller « plus vite ». « Total investit dans les énergies renouvelables, mais l’enjeu, c’est d’aller plus vite, plus fort et surtout plus rapidement », a déclaré la ministre, sur Franceinfo, appelant l’énergéticien à « mettre le paquet » sur les énergies renouvelables.

La stratégie climat de TotalEnergies tout de même votée

Malgré ces pressions, les actionnaires ont voté à une majorité de 88,76 % la stratégie climat du groupe. M. Pouyanné a salué « un large soutien » et un « débat de qualité ». Cette stratégie prévoit plus d’investissements dans les énergies renouvelables et le renforcement des objectifs de réduction des émissions de CO2 de ses opérations. La résolution climatique consultative non contraignante, déposée par une coalition d’actionnaires activistes, qui lui demandait d’en faire plus sur son bilan carbone pour s’aligner sur les objectifs des accords de Paris, a été rejetée, recueillant 30,44 % des suffrages exprimés.

Des manifestants pour le climat délogés par des gaz lacrymogènes avant l’assemblée générale de TotalEnergies, le 26 mai 2023, à Paris.

Le groupe recommandait de voter contre, jugeant la résolution « contraire aux intérêts » de TotalEnergies, « de ses actionnaires et de ses clients ». Même si TotalEnergies n’envisage pas de baisser drastiquement ses émissions directes au cours de la décennie, il entend consacrer un tiers de ses investissements dans les énergies bas carbone et atteindre 100 GW de capacité d’électricité renouvelable d’ici à 2030. « Le climat est au cœur de notre préoccupation », a affirmé M. Pouyanné plus tôt dans la matinée, défendant la « crédibilité du plan de transition » de son groupe.

« Notre compagnie a été la major qui a investi le plus pour construire le modèle énergétique de demain qui sera basé sur l’électricité » par les énergies renouvelables, a-t-il insisté, ajoutant qu’il ne peut pour autant réduire son activité pétrolière. « La demande de pétrole au niveau mondial est en croissance et si ce n’est pas TotalEnergies qui répond à cette demande, d’autres le feront à notre place », a-t-il encore dit, rétorquant, en réponse aux « grincheux qui nous accusent de greenwashing », que « ce n’est pas TotalEnergies seul qui va décider des besoins des clients ». D’autant que « ce sont les revenus des hydrocarbures qui nous permettent d’investir massivement et de développer les renouvelables », avait déjà fait valoir M. Pouyanné mercredi dans une interview au magazine Challenges.

« Militants pacifistes »

Avant l’ouverture de l’assemblée générale de TotalEnergies, le 26 mai 2023, à Paris.

Cette réunion de TotalEnergies arrive à la fin d’une saison d’AG houleuses, où des militants ont multiplié les actions contre les grands groupes, comme chez les concurrents Shell et BP ou la banque Barclays, accusée de financer l’expansion de projets d’hydrocarbures. Le tout sur fond de profits faramineux : ensemble, les majors BP, Shell, ExxonMobil, Chevron et TotalEnergies affichent plus de 40 milliards de dollars de bénéfices ce trimestre, après une année 2022 grandiose.

Une coalition d’ONG avait appelé à bloquer la réunion et des dizaines de militants ont occupé les entrées de la rue du Faubourg-Saint-Honoré, chantant notamment « ce qu’on veut, c’est renverser Total » et « un, deux et trois degrés, c’est Total qu’il faut remercier ». « Dès qu’on est arrivés à 6 heures, il y a eu une répression policière énorme, on s’est fait gazer, on s’est fait marcher dessus… Pourtant on est non violents », a dénoncé Steven Sasha Arfeuille, porte-parole d’Alternatiba. Les CRS ont envoyé deux grenades lacrymogènes sur les militants, « dont l’une a rebondi sur la casquette d’une militante et a brûlé la jambe d’une autre », a rapporté Hélène Martinelli, militante d’Alternatiba Paris. Elle-même a été poussée violemment au sol, se blessant les genoux.

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« On ne comprend pas cette violence des forces de l’ordre envers des militants pacifistes pour défendre une entreprise privée qui détruit l’environnement et bafoue les droits humains », a abondé Juliette Renaud, chargée de campagne aux Amis de la Terre, citant le mégaprojet d’oléoduc pétrolier Eacop en Ouganda et en Tanzanie qui a délogé plus de 100 000 personnes, qui n’ont pas encore toutes été dédommagées. Quatre personnes ont été interpellées « à ce stade », selon la police. « On ne peut plus laisser les entreprises détruire le vivant impunément. C’est légitime de venir manifester de manière non violente. Les pratiques des forces de l’ordre qui protègent la première entreprise pollueuse de France sont dramatiques. La légalité est de notre côté. C’est aussi une protection du droit », a assuré Marie Toussaint, députée européenne écologiste venue soutenir l’action.

Le groupe est présent dans de nombreux projets de gaz naturel liquéfié et de pétrole, aux Emirats arabes unis, en Irak, en Papouasie ou encore en Ouganda. « On n’a pas su anticiper », a concédé M. Pouyanné à Challenges au sujet de cette polémique, qui s’ajoute à bien d’autres pour le groupe, aussi critiqué pour son bénéfice record de 20,5 milliards de dollars (19,12 milliards d’euros) en 2022, ses impôts en France ou le salaire du PDG. Une hausse de 10 % de sa rémunération pour 2023 est d’ailleurs à l’ordre du jour de l’assemblée générale.




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