Que serait un ordinateur sans mémoire ? Pas grand-chose, et c’est même pire pour une nouvelle famille de machines à calculer : les ordinateurs quantiques. Ces technologies, au succès incertain mais en plein développement, promettent d’accélérer certains calculs, voire d’en réaliser d’impossibles avec les superordinateurs actuels.
Une start-up française, Welinq, s’est lancée il y a un an dans la fabrication des mémoires pour ces machines. Pour sa première levée de fonds, bouclée le 23 janvier à hauteur de 5 millions d’euros, elle a été soutenue par Quantonation, un fonds français, et Runa Capital, un fonds luxembourgeois. Un record en France à ce stade de création pour des technologies quantiques.
Dans ce domaine, le concept-clé est le qubit, un drôle de nom qui désigne la version quantique des bits. La théorie quantique autorise en effet ses objets – comme les grains de lumière (les photons) ou les atomes – à être dans deux états à la fois, 0 et 1, et non pas 0 ou 1 comme dans un processeur d’ordinateur classique.
Et, vu que ces objets « superposés » se comportent aussi comme des ondes, toutes sortes d’opérations nouvelles, impossibles avec des particules comme les électrons des processeurs, peuvent être faites, permettant des calculs inédits mais aussi des protocoles de communications sécurisées.
Des opérations limitées
Hélas, ces merveilleux qubits sont fragiles et ne durent pas assez longtemps, ce qui limite ces opérations. D’où l’intérêt de les « stocker » dans des mémoires. D’autres laboratoires ou entreprises que Welinq poursuivent donc ce but. Mais la start-up a l’avantage d’être issue d’une équipe de Sorbonne Université et du CNRS qui détient le record d’efficacité depuis 2020 : le système restitue un qubit identique à 90 % à celui qui était entré quelque dix microsecondes auparavant. De quoi servir de relais dans un réseau pour dépasser la limite des cent kilomètres au-delà de laquelle disparaissent les propriétés quantiques garantissant la sécurité d’un message, ou connecter entre eux de « petits » processeurs quantiques pour faire comme s’ils étaient plus grands, ou encore corriger des qubits déficients pour éviter d’interrompre un calcul.
Pour y arriver, la technique est forcément quantique, elle aussi. En entrée arrive un qubit, par exemple un photon polarisé dans deux directions en même temps. Il traverse un nuage d’atomes quasi gelés, quelques millionièmes de degrés au-dessus du zéro absolu (− 273,15 °C), et en percute un seul, qui modifie son état et « enregistre » l’information transférée par le photon. Immobile ou presque, l’atome conserve le précieux message jusqu’à ce que les opérateurs le désexcitent par un coup de laser bien dosé afin de libérer un photon identique à 99 % au premier.
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