quels risques pour la santé ?

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© egor105 / Pixabay – Licence : Pixabay

Pendant la crise sanitaire liée au Covid-19, le débat sur l’utilisation en masse du plastique a été relancé sans avancée réelle. Or, cette consommation excessive n’est pas uniquement un désastre écologique, elle s’immisce jusque dans nos organes vitaux et les foetus humains

Partout où les scientifiques cherchent des microplastiques, ils les trouvent : dans la nourriture, l’eau, l’air et même certaines parties du corps humain. Les microplastiques sont des fragments de plastique de moins de 5 millimètres de large, capables de pénétrer dans le corps humain par l’alimentation, la bouche, le nez et d’autres cavités corporelles en contact avec le monde extérieur.

D’après un rapport, intitulé Plastics, Edcs & Health, de l’Endocrine Society et de l’IPEN – International Pollutants Elimination Network -, le plastique contient des produits chimiques perturbateurs endocriniens qui menacent la santé humaine.

Le système endocrinien est constitué « d’une série de glandes réparties dans l’organisme, chacune d’entre elles produisant une ou plusieurs hormones. Ces hormones sont des substances chimiques naturelles, libérées dans le flux sanguin, qui circulent dans le corps », comme il est indiqué dans le rapport.

Quant au perturbateur endocrinien, d’après la définition donnée par l’Endocrine Society, c’est « un produit chimique exogène – non naturel – ou un mélange de produits chimiques qui interfèrent avec tout aspect de l’action hormonale.« 

Microplastiques : des risques graves pour la santé des êtres humains

Ce rapport, focalisé sur la relation entre les plastiques et les produits chimiques perturbateurs endocriniens, met alors en avant des conclusions alarmantes… Il prouve les liens de cause à effet directs entre les additifs chimiques toxiques au sein des plastiques et les impacts spécifiques sur la santé du système endocrinien. Ces produits chimiques peuvent être à l’origine de maladies graves telles que le cancer, le diabète ou encore des troubles de la reproduction et des troubles neurologiques chez les foetus et les enfants en développement.

« De nombreux plastiques que nous utilisons tous les jours à la maison et au travail nous exposent à un cocktail nocif de produits chimiques perturbateurs endocriniens », a déclaré Jodi Flaws, auteur principal du rapport, de l’Université de l’Illinois à Urbana-Champaign, aux États-Unis.

En effet, on se rend bien compte de l’immense quantité de déchets plastiques qui finissent la plupart du temps dans la nature, mais les perturbateurs endocriniens qui s’échappent du plastique et pénètrent dans le corps humain, lors de l’utilisation de divers produits, ne sont malheureusement pas visibles à l’oeil nu. Et pourtant, ils sont bel et bien présents dans notre quotidien et ils sont dangereux pour notre santé.

De plus, l’exposition à ces substances chimiques nocives peut survenir pendant toute la durée de vie des produits en plastique ; du processus de fabrication au contact avec le consommateur, en passant par le recyclage, la gestion et l’élimination des déchets.

Quels sont les perturbateurs endocriniens ?
Ils comprennent le bisphénol A et les produits chimiques connexes, les retardateurs de flamme, les phtalates, les substances per- et polyfluoroalkyle (PFAS), les dioxines, les stabilisants UV et les métaux toxiques comme le plomb et le cadmium.
Pour avoir une idée plus précise et imagée, on les retrouve notamment dans les emballages, la construction, les revêtements de sol, l’industrie automobile, la production et l’emballage de denrées alimentaires, les soins de santé ou encore dans les jouets, les articles de loisirs, l’électronique domestique, les vêtements, les meubles, les textiles, les équipements médiaux et les cosmétiques.

« Une action définitive est nécessaire au niveau mondial pour protéger la santé humaine et notre environnement contre ces menaces« , a confirmé le Dr. Jodi Flaws.

Des microplastiques dans notre alimentation

Des scientifiques d’INRAE, en collaboration avec l’université Clermont-Auvergne, ont réalisé des travaux pionniers pour évaluer leurs impacts sur le microbiote intestinal. Leurs résultats, parus dans Journal of Hazardous Materials. Les scientifiques ont utilisé un modèle in vitro original qui reproduit l’environnement du côlon humain, l’élément final de la digestion. Ils ont pu ainsi étudier le devenir du plastique le plus largement fabriqué au monde, le polyéthylène (PE), que l’on retrouve également dans l’eau du robinet. Les interactions possibles de ces microplastiques de PE ont été passées au crible : avec les processus de digestion, avec le microbiote intestinal, mais aussi avec la barrière intestinale[1].

Chaque semaine, nous ingérons environ 5 grammes de plastique, soit l’équivalent d’une carte de crédit, via l’eau que nous buvons et des aliments comme les produits de la mer, le sel, la bière…

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Déchets micro-plastiques sur une plage des Landes, en 2015 (France)
© Christophe Magdelaine / www.notre-planete.info – Licence : Tous droits réservés

Ces analyses apportent une conclusion claire et préoccupante : les microplastiques de PE modifient le microbiote intestinal in vitro. Les effets varient en fonction des individus, mais une tendance se dégage. On constate une augmentation de bactéries pouvant être néfastes et une diminution de bactéries bénéfiques pour la santé. Une nouvelle encourageante cependant : ces changements n’impactent pas l’intestin dans sa fonction de barrière. Il conserve son imperméabilité et ne présente pas d’inflammation.

Les mêmes chercheurs ont réalisé des travaux supplémentaires chez l’enfant. A fin 2022, aucune étude n’avait évalué les conséquences d’une ingestion de microplastiques sur la sphère digestive de l’enfant. Avant 3 ans, leur tractus digestif et leur microbiote sont immatures. Ils sont considérés comme une population à risque.

Pour étudier le cas de l’enfant de 6 mois à 3 ans, les scientifiques ont adapté leur modèle in vitro déjà disponible chez l’adulte. Comme observé chez l’adulte, il y a une augmentation de l’abondance de bactéries pouvant être néfastes. Mais le cas des enfants se distingue sur un point : ces changements de bactéries entrainent la diminution d’un composé reconnu pour ses effets bénéfiques sur la santé. Il s’agit du butyrate. Enfin, comme pour l’adulte, ces changements n’impactent pas l’intestin dans sa fonction de barrière.

Des microplastiques jusque dans le placenta des femmes enceintes

En décembre 2020, une étude italienne révélait – sans surprise – que les particules de microplastiques s’infiltraient jusque dans les placentas des fœtus humain. Des microplastiques ont ainsi été trouvés dans toutes les parties du placenta : membranes maternelles, fœtales et amniochorales. Cette découverte pourrait « avoir des effets à long terme sur la santé humaine« , alerte Antionio Ragusa, directeur de cette étude parue la revue scientifique Environment International.

Seulement 6 placentas de femmes ont été analysés mais plusieurs fragments de microplastiques y ont été découverts dont trois sont du « polypropylène teinté et du polymère thermoplastique », précise l’étude. Ils pourraient provenir de produits d’emballage ou de cosmétiques.

Les microplastiques « sont suffisamment petits pour être transportés dans la circulation sanguine« , rappellent les chercheurs. Ce qui signifie qu’ils pourraient également pénétrer dans l’organisme du nourrisson en développement. « En raison du rôle crucial du placenta dans le soutien du développement du fœtus et en agissant comme une interface avec l’environnement externe, (…) des études supplémentaires doivent être effectuées pour évaluer si la présence de microplastiques peut déclencher des réponses immunitaires ou entraîner la libération de contaminants toxiques, entraînant des dommages« , concluent les auteurs.

Les grossesses étudiées se sont toutefois bien déroulées et les bébés qui en sont issus sont en bonne santé pour l’instant.

Des microplastiques jusque dans notre coeur

Jusqu’alors, les recherches de microplastiques sur les organes profonds du corps humains restaient limitées. En novembre 2023, dans une étude pilote portant sur des personnes ayant subi une chirurgie cardiaque, des chercheurs de la revue ACS Environmental Science & Technology rapportent avoir trouvé des microplastiques dans de nombreux tissus cardiaques.

Dans une expérience pilote, les chercheurs ont prélevé des échantillons de tissus cardiaques sur 15 personnes pendant des chirurgies cardiaques, ainsi que des spécimens de sang pré- et post-opératoires chez la moitié des participants. Ensuite, l’équipe a analysé les échantillons avec une imagerie infrarouge directe au laser et a identifié des particules de 20 à 500 micromètres de large composées de huit types de plastique, dont le polyéthylène téréphtalate, le chlorure de polyvinyle et le poly(méthacrylate de méthyle).
Cette technique a détecté des dizaines de milliers de morceaux individuels de microplastiques dans la plupart des échantillons de tissus, bien que les quantités et les matériaux aient varié entre les participants.

Même si l’étude implique peu de participants, les chercheurs affirment avoir fourni des preuves préliminaires selon lesquelles divers microplastiques peuvent s’accumuler et persister dans le cœur et ses tissus les plus profonds.

De plus, leurs résultats montrent que les opérations chirurgicales constituent une voie négligée d’exposition aux microplastiques, offrant un accès direct à la circulation sanguine et aux tissus internes.

Plastique : un secteur industriel en pleine croissance

D’après le premier rapport cité, la production mondiale de plastiques en 2017 était de près de 350 millions de tonnes et devrait passer à 1,1 milliard de tonnes d’ici 2050. Autrement dit, elle va tripler en seulement 30 ans.

« Ce rapport précise que l’accélération actuelle de la production de plastique, qui devrait augmenter de 30 à 36 % au cours des six prochaines années, exacerbera considérablement les expositions aux EDC – perturbateurs endocriniens – et la hausse des taux mondiaux de maladies endocriniennes », a déclaré Pamela Miller, coprésidente de l’IPEN tout en ajoutant que « des politiques, visant à réduire et à éliminer les perturbateurs endocriniens du plastique, à réduire les expositions liées au recyclage du plastique, aux déchets plastiques et à leur incinération, sont impératives. Les perturbateurs endocriniens dans les plastiques sont un problème de santé, à l’échelle internationale, qui se fait ressentir de manière aiguë dans le sud de la planète, où les expéditions de déchets plastiques toxiques en provenance de pays plus riches inondent les communautés. »

Tout le monde se met d’accord sur le fait qu’il faut agir vite et efficacement. D’ailleurs, plus d’une centaine de pays ont reconnu, lors de la 4e Conférence Internationale sur la Gestion des Produits Chimiques (CIGPC4), organisée par le Programme des Nations unies pour l’environnement en 2015, qu’il était nécessaire d’agir politiquement concernant les perturbateurs endocriniens.

Pour cela, il existe la Convention de Stockholm, un accord international visant à interdire les polluants organiques persistants (POP), entrée en vigueur en 2004. Celle-ci a pris des mesures en réalisant la liste de plusieurs additifs chimiques contenus dans les plastiques, y compris les substances ignifugeantes, afin de les éliminer complètement à l’échelle mondiale.

« L’exposition aux produits chimiques perturbant le système endocrinien n’est pas seulement un problème mondial, mais elle constitue une menace sérieuse pour les générations futures », a déclaré la co-auteure Pauliina Damdimopoulou, du Karolinska Institutet à Stockholm, en Suède.

Cependant, il y a encore du travail à faire pour imaginer un monde sans produits chimiques perturbateurs endocriniens. Il y a encore un manque de réglementation de la part de certains pays et de nombreux composés doivent encore être testés pour déterminer l’activité des perturbateurs endocriniens et leur impact sur la santé.

Notes

  1. La barrière intestinale comprend l’épithélium (peau tapissant l’intestin) et le mucus, qui joue un rôle fondamental dans la fonction barriere de la muqueuse intestinale.

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