đŸŒŸ La forĂȘt amazonienne deviendra en partie une savane

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ForĂȘt amazonienne
© Eismannhans / Pixabay – Licence : Pixabay

La forĂȘt amazonienne, considĂ©rĂ©e souvent comme un des poumons verts de notre planĂšte, pourrait prochainement se transformer en savane… Face au changement climatique et Ă  la dĂ©forestation intensive, l’Amazonie a-t-elle atteint un point de non-retour ?

En effet, une Ă©tude, publiĂ©e dans la revue scientifique Nature Climate Change, rĂ©vĂšle que les trois quarts de l’Amazonie, immense forĂȘt tropicale riche en biodiversitĂ©, semblent montrer une perte de rĂ©silience depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000. Or, la rĂ©silience de la forĂȘt amazonienne – soit sa capacitĂ© Ă  retrouver un Ă©tat stable aprĂšs des perturbations, telles que des Ă©vĂšnements climatiques ou des sĂ©cheresses – aux changements climatiques et Ă  l’utilisation des terres est essentielle et indispensable pour la biodiversitĂ©, le climat rĂ©gional et le cycle mondial du carbone.

« Une rĂ©silience rĂ©duite – la capacitĂ© de se remettre de perturbations telles que des sĂ©cheresses ou des incendies – peut signifier un risque accru de dĂ©pĂ©rissement de la forĂȘt amazonienne. Le fait que nous constations une telle perte de rĂ©silience dans les observations est inquiĂ©tant », a dĂ©clarĂ© Niklas Boers du Potsdam Institute for Climate Impact Research et de l’UniversitĂ© technique de Munich, qui a menĂ© l’Ă©tude conjointement avec des chercheurs de l’UniversitĂ© d’Exeter, au Royaume-Uni. « La forĂȘt amazonienne abrite une biodiversitĂ© unique, influence fortement les prĂ©cipitations dans toute l’AmĂ©rique du Sud grĂące Ă  son Ă©norme Ă©vapotranspiration et stocke d’Ă©normes quantitĂ©s de carbone qui pourraient ĂȘtre libĂ©rĂ©es sous forme de gaz Ă  effet de serre en cas de dĂ©pĂ©rissement mĂȘme partiel, contribuant Ă  leur tour au rĂ©chauffement climatique », a-t-il ajoutĂ©.

C’est pourquoi, la perte prononcĂ©e de la rĂ©silience de la forĂȘt amazonienne est un problĂšme environnemental Ă  l’Ă©chelle mondiale. En effet, la forĂȘt tropicale agit gĂ©nĂ©ralement comme un grand puits de carbone terrestre, permettant de diminuer le rejet de gaz Ă  effet de serre dans l’atmosphĂšre. Cependant, le flux d’absorption de carbone de l’Amazonie a diminuĂ© au cours des quatre derniĂšres dĂ©cennies et, notamment, lors des deux sĂ©cheresses majeures de 2005 et 2010 oĂč, temporairement, l’Amazonie s’est transformĂ©e en une source de carbone en raison de l’augmentation de la mortalitĂ© des arbres.

La forĂȘt amazonienne, le « poumon vert » de la Terre ?
Si les forĂȘts sont gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ©es comme les « poumons de la Terre » c’est parce qu’elles Ă©mettraient plus d’oxygĂšne (O2) que ce dont elles ont besoin. Ainsi, on entend dire que la forĂȘt amazonienne gĂ©nĂšrerait 20 % de l’oxygĂšne que nous respirons. Ce chiffre est sans fondement : lorsqu’un Ă©cosystĂšme forestier est Ă  l’Ă©quilibre, que la forĂȘt ne progresse plus, le bilan est neutre : une forĂȘt rejette autant d’oxygĂšne qu’elle en absorbe, idem pour le CO2 (Planet-Terre, 2019). Pire, la forĂȘt amazonienne rĂ©gresse chaque annĂ©e, elle pourrait donc bien libĂ©rer plus de carbone que d’oxygĂšne (et c’est plutĂŽt ça le vrai problĂšme).
On ne peut donc pas parler de « poumon vert » de la Terre. Et quand bien mĂȘme, nous n’en aurions pas vraiment besoin pour respirer, il y a dĂ©jĂ  un stock d’oxygĂšne suffisant dans l’air (21 %) et il ne rĂ©gresse pas Ă  notre Ă©chelle de temps.
Mais d’oĂč vient alors notre oxygĂšne ? Il serait hĂ©ritĂ© de la modification de la composition des roches terrestres et de sa sĂ©questration pendant des milliards d’annĂ©es par le phytoplancton piĂ©gĂ© dans les fonds sous-marins qui l’a ensuite libĂ©rĂ© (National Geographic, 2019).

Cette alerte n’est pas la premiĂšre ! DĂšs 2005, dans le cadre de la IIIe ConfĂ©rence du « Projet Ă  grande Ă©chelle sur la biosphĂšre et l’atmosphĂšre de l’Amazonie », Carlos Nobre, chercheur Ă  l’Institut national des investigations spatiales (INPE) a affirmĂ© que la dĂ©forestation de la forĂȘt amazonienne pourrait conduire Ă  sa transformation en une vaste savane d’ici 50 Ă  100 ans : « dans le pire des cas, la forĂȘt perd quelque 60 % de sa surface ; dans le meilleur, tout continue comme maintenant ; mĂȘme sans dĂ©forestation, le rĂ©chauffement climatique pourrait provoquer la « savanisation » de 20 % Ă  30 % » de l’Amazonie, avait-il prĂ©cisĂ©.

En effet, le chercheur considĂ©rait dĂ©jĂ  que la dĂ©forestation, provoquĂ©e par l’avancĂ©e de la culture du soja et l’élevage du bĂ©tail, a dĂ©jĂ  un impact climatique, tant localement que dans des zones plus Ă©loignĂ©es, puisqu’elle provoque « une diminution des pluies et un rĂ©chauffement plus important du climat ».

Les activités humaines et le changement climatique sont-ils les grands responsables ?

« Alors qu’un systĂšme peut sembler stable si l’on ne considĂšre que son Ă©tat moyen, un examen plus approfondi des donnĂ©es avec des mĂ©thodes statistiques innovantes peut rĂ©vĂ©ler une perte de rĂ©silience », a dĂ©clarĂ© Chris Boulton du Global Systems Institute de l’UniversitĂ© d’Exeter, tout en prĂ©cisant que « des Ă©tudes antĂ©rieures basĂ©es sur des simulations informatiques ont indiquĂ© que de grandes parties de l’Amazonie peuvent ĂȘtre vouĂ©es au dĂ©pĂ©rissement avant de montrer un fort changement dans l’Ă©tat moyen. Notre analyse observationnelle montre maintenant que dans de nombreux domaines, la dĂ©stabilisation semble dĂ©jĂ  en cours. »

GrĂące Ă  une analyse statistique avancĂ©e de donnĂ©es satellitaires, sur les changements de la biomasse et de la productivitĂ© de la vĂ©gĂ©tation, les scientifiques ont pu Ă©valuer la rĂ©silience de la forĂȘt amazonienne. Ils ont alors fourni des preuves empiriques suggĂ©rant que des conditions globalement plus sĂšches, aboutissant Ă  trois Ă©pisodes de sĂ©cheresse sĂ©vĂšre, combinĂ©es aux activitĂ©s humaines (routes, centres urbains ou utilisation des terres), ont probablement jouĂ© un rĂŽle crucial dans la perte de rĂ©silience observĂ©e.

« C’est alarmant, car les modĂšles du GIEC prĂ©voient un assĂšchement gĂ©nĂ©ral de la rĂ©gion amazonienne en rĂ©ponse au rĂ©chauffement climatique anthropique », a dĂ©clarĂ© Boers.

Cependant, les chercheurs sont dans l’incapacitĂ© de prĂ©voir le point de basculement – ou tipping point – de la forĂȘt amazonienne qui, une fois qu’il sera dĂ©passĂ©, n’aura pas de retour en arriĂšre possible. « Nous avons donc examinĂ© des donnĂ©es d’observation spĂ©cifiques pour dĂ©tecter des signes de changements de rĂ©silience au cours des derniĂšres dĂ©cennies. Nous constatons une diminution continue de la rĂ©silience de la forĂȘt tropicale depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000, mais nous ne pouvons pas dire quand une transition potentielle de la forĂȘt tropicale Ă  la savane pourrait se produire. Quand il sera observable, il sera probablement trop tard pour l’arrĂȘter », a indiquĂ© Boers.

Comme l’explique une Ă©tude publiĂ©e dans la revue scientifique Nature, intitulĂ©e « Points de basculement climatiques – trop risquĂ© pour parier contre » : « Les politiciens, les Ă©conomistes et mĂȘme certains spĂ©cialistes en sciences naturelles ont eu tendance Ă  supposer que les points de basculement dans le systĂšme terrestre – tels que la rĂ©duction de la forĂȘt amazonienne ou de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental – sont peu probables et mal compris. Pourtant, les preuves s’accumulent selon lesquelles ces Ă©vĂ©nements pourraient ĂȘtre plus probables qu’on ne l’imagine et avoir des impacts importants. Ils sont interconnectĂ©s Ă  travers diffĂ©rents systĂšmes biophysiques, engageant potentiellement le monde dans des changements irrĂ©versibles Ă  long terme. »

Lutter contre la déforestation est un élément clé

Alors que la forĂȘt amazonienne s’approche Ă  grande vitesse d’un point de non-retour, une solution est pourtant Ă  portĂ©e de main : rĂ©duire la dĂ©forestation. Cependant, au BrĂ©sil, pays qui possĂšde la plus grande superficie de la forĂȘt amazonienne, le gouvernement actuel est loin de se prĂ©occuper de l’Amazonie.

D’aprĂšs un communiquĂ© publiĂ© par Greenpeace BrĂ©sil, « les donnĂ©es publiĂ©es du systĂšme Deter, de l’Institut de recherche spatiale (INPE), rĂ©affirment que la dĂ©forestation de la plus grande forĂȘt tropicale de la planĂšte reste hors de contrĂŽle. Entre le 1er et le 28 fĂ©vrier 2022, les alertes pointent au total 199 kmÂČ dĂ©boisĂ©s. Cela reprĂ©sente une augmentation de 62 % par rapport au mĂȘme mois en 2021 », tout en indiquant que « les alertes Ă  la dĂ©forestation sont principalement concentrĂ©es dans les États d’Amazonas (40 kmÂČ), du Mato Grosso (49 kmÂČ) et du ParĂĄ (79 kmÂČ), oĂč l’augmentation par rapport Ă  fĂ©vrier de l’annĂ©e derniĂšre Ă©tait de 119 %. »

Les dĂ©cisions prises par le prĂ©sident brĂ©silien, Jair Bolsonaro, continuent d’ignorer les consĂ©quences environnementales sur la forĂȘt tropicale amazonienne. En effet, le 14 fĂ©vrier 2022, Jair Bolsonaro avait signĂ© un dĂ©cret favorisant l’orpaillage – recherche et exploitation artisanale de l’or dans les riviĂšres aurifĂšres – en Amazonie. « Face Ă  l’expansion des activitĂ©s miniĂšres et agricoles, la dĂ©forestation de la forĂȘt Amazonienne a alors atteint 13 235 kmÂČ entre aoĂ»t 2020 et juillet 2021, un record inĂ©galĂ© depuis les 15 derniĂšres annĂ©es », a indiquĂ© l’association française PlanĂšte Amazone.

D’aprĂšs les donnĂ©es publiĂ©es par l’Institut National de la Recherche Spatiale (INPE) du BrĂ©sil, organisme public chargĂ© de mesurer la dĂ©forestation en Amazonie, le taux de dĂ©forestation de la forĂȘt amazonienne Ă©tait estimĂ© Ă  13 235 kmÂČ entre le 1er aoĂ»t 2020 et le 31 juillet 2021, soit une augmentation d’environ 22%.

Cependant, avec l’Ă©lection de Luiz InĂĄcio Lula da Silva en octobre 2022 – qui fait de la protection de l’Amazonie une prioritĂ© de son gouvernement – le taux de dĂ©forestation de la forĂȘt amazonienne est estimĂ© Ă  5 152 kmÂČ entre le 1er aoĂ»t 2022 et le 31 juillet 2023. Cela reprĂ©sente une baisse de 50 % par rapport Ă  l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, qui Ă©tait de 10 278 kmÂČ. Il s’agit du taux de dĂ©forestation le plus bas enregistrĂ© en Amazonie depuis 2018.

Il est urgent d’agir pour protĂ©ger l’Amazonie, un trĂ©sor de biodiversitĂ©, avant qu’elle atteigne le seuil critique qui pourrait la transformer en savane…


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