🐋 Pourquoi un grand nombre de baleines grises meurent dans l’ocĂ©an Pacifique ?

La population de baleines grises qui migrent dans le Pacifique le long des cĂŽtes d’AmĂ©rique du Nord, est en fort dĂ©clin depuis quelques annĂ©es. Plus de 600 baleines grises se sont Ă©chouĂ©es entre 2019 et 2022, un phĂ©nomĂšne que l’on explique pas complĂštement et qui semble suivre un cycle

La baleine grise – Eschrichtius robustus – est la seule espĂšce vivante de la famille des Eschrichtiidae, nom donnĂ© en l’honneur du zoologiste danois Daniel Fredereik Eschricht. D’aprĂšs les donnĂ©es de la Red List, au Canada, aux Etats-Unis, au Mexique, en Russie et au Japon, l’espĂšce est sauvegardĂ©e, tandis qu’en CorĂ©e et en Islande son extinction est probable mais non confirmĂ©e. Au contraire, au Royaume-Uni, le mammifĂšre a bel et bien disparu des eaux ocĂ©aniques de l’Atlantique.

Il y a quelques siĂšcles, les baleines grises Ă©taient prĂ©sentes dans l’Atlantique Nord-Est dans les eaux qui bordent l’Europe du Nord et de l’Ouest. Or, la chasse Ă  la baleine pratiquĂ©e trĂšs tĂŽt, surtout au Moyen Âge, par de nombreuses cultures le long des voies de migration potentielles a probablement eu un impact dĂ©cisif sur ces populations de baleines grises de l’Atlantique Nord-Est, peut ĂȘtre dĂ©jĂ  fragilisĂ©es par des causes climatiques ou Ă©cologiques. Il est ainsi suggĂ©rĂ© que les cultures mĂ©diĂ©vales qui pratiquaient la chasse Ă  la baleine ont portĂ© un coup critique, contribuant ainsi Ă  la premiĂšre disparition d’une espĂšce de cĂ©tacĂ©s (UniversitĂ© de Rennes, 10/2023).
Désormais, les baleines grises sont présentes uniquement dans le Pacifique Nord et les mers adjacentes.

En hiver, elles se rassemblent dans ou autour des lagunes, le long de la cÎte Ouest de Baja California, au Mexique, et certaines se dirigent, en plus petit comité, dans le golfe de Californie et le long du continent mexicain.

C’est au printemps que les baleines entament leur migration de plus de 16 000 km aller-retour, en gĂ©nĂ©ral, dans les eaux peu profondes du Nord-Ouest de la mer du BĂ©ring et du Sud de la mer des Tchouktches – mer Ă©picontinentale de l’ocĂ©an Arctique entre l’Ăźle Wrangel et le mĂ©ridien de Point Barrow – et de la mer de Beaufort – mer de l’ocĂ©an Arctique, au Nord de l’Alaska et du Canada -.

Ces migrations entre les aires d’alimentation et les aires de reproduction se font annuellement. Sans nul doute, la saison estivale d’alimentation – entre les mois de mai et d’octobre – est primordiale et essentielle pour la survie des baleines et leur reproduction. C’est le moment oĂč elles font leurs rĂ©serves Ă©nergĂ©tiques, sous forme de graisse principalement, afin de pouvoir rĂ©aliser leur migration et rester le temps nĂ©cessaire sur les aires de reproduction. En effet, les baleines grises ne se nourrissent pas pendant la saison de migration et de reproduction.

Une population de baleines grises sujettes Ă  de fortes variations

Un rapport de la NOAA de septembre 2022 prĂ©cise que la population actuelle des baleines grises le long des cĂŽtes amĂ©ricaines a diminuĂ© de 38 % par rapport au pic de 2015-2016, passant de 27 000 individus Ă  seulement 16 650. Dans le mĂȘme temps, il n’y a jamais eu si peu de naissances (217 en mai 2022 contre 383 en mai 2021) depuis le dĂ©but des comptages en 1994, selon un rapport adjacent de la NOAA.

La population de baleines grises est sujette Ă  de fortes variations encore inexpliquĂ©es. Une baisse similaire d’environ 40 % a Ă©tĂ© observĂ©e de la fin des annĂ©es 1980 au dĂ©but des annĂ©es 1990. La population a ensuite rebondi pour atteindre un nouveau point culminant. De mĂȘme, en 1999 et 2000, la population a diminuĂ© d’environ 25 % pour remonter en 2015-2016.

Les baleines grises de l’est de l’ocĂ©an Pacifique se sont complĂštement remises de l’Ă©poque de la chasse commerciale Ă  la baleine et ont Ă©tĂ© retirĂ©es de la liste des espĂšces menacĂ©es en 1994.

La population a probablement toujours fluctuĂ© en rĂ©ponse aux changements de son environnement, sans effets durables, a dĂ©clarĂ© le biologiste Dr Tomo Eguchi, auteur principal des nouveaux rapports de la NOAA. « Nous sommes prudemment optimistes que la mĂȘme chose se produira cette fois. Une surveillance continue dĂ©terminera si et quand ils rebondiront.« 

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Estimations de la population de baleines grises et des naissances de baleineaux de l’est du Pacifique Nord de 1994 Ă  2022
Auteur : NOAA Fisheries – Licence : DR

PhotogrammĂ©trie par drone pour analyser l’Ă©tat corporel des baleines grises

Bien que leur population soit considĂ©rĂ©e comme « stable », les Ă©vĂšnements des trois derniĂšres annĂ©es laissent place au doute quant Ă  leur futur. En effet, comme l’indiquaient les scientifiques dans l’article publiĂ© dans l‘Inter-Research Science Publisher dĂ©but 2021, pour la troisiĂšme annĂ©e consĂ©cutive, de nombreuses baleines grises ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es en trĂšs mauvais Ă©tat, voire mortes, tout au long de la cĂŽte ouest du Mexique, des Etats-Unis et du Canada. On parle d’un phĂ©nomĂšne inattendu au cours duquel un nombre important de mammifĂšres marins meurent (UME).

Par exemple, Ă  la mi-janvier 2021, alors que les premiĂšres baleines de l’Est du Pacifique Nord ont dĂ©jĂ  commencĂ© Ă  migrer vers les lagunes de Baja California pour se reproduire, les scientifiques ont pu observer plusieurs d’entre elles particuliĂšrement amaigries sur la route de migration…

Comment est-ce possible de se rendre compte, Ă  distance, du poids et de l’Ă©tat corporel des baleines ? Il existe aujourd’hui une technique connue sous le nom de photogrammĂ©trie par drone. En 2017, le Dr Fredrik Christiansen – de l’Institut d’Ă©tudes avancĂ©es d’Aarhus et du DĂ©partement de zoologie de l’UniversitĂ© d’Aarhus – et le professeur Lars Bejder – de l’UniversitĂ© d’HawaĂŻ Ă  Manoa – ont rejoint le Laguna San Ignacio Ecosystem Science Program (LSIESP) pour Ă©tudier l’Ă©tat corporel des baleines grises en utilisant cette technologie. Celle-ci permet de mesurer la longueur et la largeur du corps des baleines grises Ă  partir de photographies verticales prises par des drones au-dessus des baleines. A partir de ces photographies, il est possible de mesurer l’Ă©tat corporel relatif ou la graisse des baleines.

Les rĂ©sultats sont lĂ … Au cours de la deuxiĂšme annĂ©e d’Ă©chantillonnage, les chercheurs ont pu constater un dĂ©clin de l’Ă©tat corporel des baleines grises juvĂ©niles et adultes Ă  la Laguna San Ignacio. En 2019, alors que le phĂ©nomĂšne de mortalitĂ© inhabituelle venait de commencer, le dĂ©clin de la condition corporelle des baleines Ă©tait toujours visible et il coĂŻncidait Ă©galement avec la baisse du nombre de couples mĂšre-baleineau Ă  la Laguna San Ignacio. Ils ont alors pu dĂ©duire une baisse du taux de reproduction des baleines grises femelles.

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Baleine grise et son petit migrant le long de la cĂŽte centrale de la Californie depuis les aires d’hivernage au Mexique vers les aires d’alimentation d’Ă©tĂ© dans l’Arctique



Auteur : NOAA Fisheries – Licence : DR

Pourquoi les populations de baleines grises déclinent ?

« Il semble qu’un grand nombre de baleines grises quittent dĂ©jĂ  leurs aires d’alimentation dans un Ă©tat nutritionnel mĂ©diocre et au moment oĂč elles ont terminĂ© la saison de reproduction au Mexique, elles ont Ă©puisĂ© leurs rĂ©serves d’Ă©nergie et meurent de faim », a expliquĂ© le Dr Fredrik Christiansen, Ă  l’origine de l’Ă©tude de 2021.

En effet, sur certaines aires d’alimentation, les proies commencent Ă  se faire rare… Les baleines grises se nourrissent principalement de krill : mysidacĂ©s, amphipodes tubicoles et vers polychĂštes. Par exemple, depuis la fin des annĂ©es 1980, dans le bassin central de Chirikov, une des zones principales d’alimentation des baleines grises, le nombre d’amphipodes a diminuĂ©. D’aprĂšs les chercheurs, ce changement est une des consĂ©quences du rĂ©chauffement des eaux arctiques.

Une enquĂȘte a Ă©tĂ© menĂ©e suite Ă  l’augmentation exceptionnelle des Ă©chouages ​​de baleines grises de 2019 Ă  2022 (environ 600). Celle-ci a identifiĂ© plusieurs causes dont le manque de nourriture mais aussi Ă  cause de choc avec des navires ou de prĂ©dation par des orques.

« Il n’y a pas une seule cause que nous puissions avancer pour expliquer tous les Ă©chouages« , a dĂ©clarĂ© Deborah Fauquier, mĂ©decin vĂ©tĂ©rinaire de la NOAA Fisheries, qui coordonne l’enquĂȘte. « Il semble y avoir plusieurs facteurs que nous nous efforçons toujours de comprendre« .


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