🐻‍❄️ Le lien entre émissions de gaz à effet de serre et survie de l’ours polaire a-t-il été établi ?


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L’ours polaire (Ursus maritimus) est devenu l’animal emblématique des conséquences du réchauffement climatique : son terrain de chasse (la banquise) se réduit comme peau de chagrin et n’apporterait plus suffisamment de nourriture pour assurer l’augmentation de sa population. Une nouvelle analyse prétend avoir quantifié la relation entre émissions de gaz à effet de serre et chances de survies de l’ours polaire.

L’ours polaire (Ursus maritimus) est devenu l’animal emblématique des conséquences du réchauffement climatique : son terrain de chasse (la banquise) se réduit comme peau de chagrin et ne trouverait plus suffisamment de nourriture pour assurer l’augmentation de sa population.

En effet, la banquise arctique a perdu près de 45 % de sa superficie et 80 % de son volume depuis 1979 à cause du réchauffement climatique qui devrait finir par disparaître quasi entièrement d’ici 2050. Or la glace de mer est essentielle pour les ours polaires qui y trouvent un terrain de chasse et de vie.

Selon la Liste Rouge des Espèces menacées, l’ours polaire est une espèce vulnérable dont la population devrait décliner de 30 % dans les prochaines décennies, notamment à cause de la diminution de la banquise. « Nous savons depuis des décennies que le réchauffement continu et la perte de la banquise ne peuvent finalement résulter qu’en une réduction de la distribution et de l’abondance des ours polaires« , a déclaré Steven Amstrup, scientifique en chef émérite de Polar Bears International et professeur adjoint à l’Université du Wyoming.

A ce titre, une nouvelle recherche menée par l’Université de Washington et Polar Bears International affirme avoir quantifié la relation entre les émissions de gaz à effet de serre et le taux de survie des populations d’ours polaires.

Ce nouvel article, a été publié lors de la 50e année d’anniversaire de la loi sur les espèces en danger menacée » (Endangered Species Act) et du 15e anniversaire de l’enregistrement des ours polaires qui date de 2008 sur l’ESA aux Etats-Unis.

L’Arctique est sans doute la région qui se réchauffe le plus rapidement sur Terre, or la banquise est le terrain de chasse des ours polaires. Pendant les mois d’été sans glace, les ours doivent jeûner ou se tourner vers d’autres types de nourriture que les phoques, comme les oiseaux, œufs, petits mammifères terrestres et même des carcasses de baleines échouées. Dans le pire des cas, les ours adultes mourront, mais avant cela, ils perdront la capacité d’élever avec succès des oursons.

L’expert en ours polaires, Steven Amstrup, et la modélisatrice climatique, Cecilia Bitz, professeure de sciences atmosphériques à l’Université de Washington ont effectué des analyses qui suggèrent un lien direct entre les émissions cumulatives de gaz à effet de serre et les changements démographiques des ours polaires. Selon les chercheurs, ce lien explique en grande partie les tendances récentes à la baisse de certaines sous-populations d’ours polaires, comme dans la baie d’Hudson occidentale.

Cette étude prend en compte non seulement la survie des ours polaires adultes, mais aussi leur capacité à avoir des oursons et à les élever jusqu’à l’âge de l’indépendance.

Ainsi, depuis 1979, les régions de la baie d’Hudson, qui avaient déjà des mois sans glace avant 1979, ont aujourd’hui des saisons de jeûne légèrement plus longues (passant de 110 jours à 130 jours en moyenne). Les eaux plus fermées de la mer de Beaufort et de la mer des Tchouktches ont connu une augmentation spectaculaire du nombre de jours pendant lesquels les ours polaires doivent jeûner (50 à 125 jours et 10 à 140 jours respectivement), et leur incapacité à élever leur progéniture, a également significativement augmenté d’environ 20 % dans les 4 régions étudiées.

Selon les observations des scientifiques, les trois populations étudiées seraient donc en déclin à cause des émissions de gaz à effet de serre.
Cette relation mathématique supposée entre les émissions cumulées de gaz à effet de serre et le décin de certaines populations d’ours polaires est une aubaine car « jusqu’à présent, les scientifiques n’avaient pas fourni de preuves quantitatives de la relation entre les émissions de gaz à effet de serre et le déclin de la population« , a déclaré la deuxième auteure Bitz qui montre par exemple qu’un jour supplémentaire de famine pour les ours est engendré par l’émission de 14 gigatonnes d’équivalent dioxyde de carbone (GtCO2e) de plus dans l’atmosphère.

De tels chiffres facilitent grandement la communication et incitent davantage à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Par exemple, les centaines de centrales électriques aux États-Unis émettront plus de 60 gigatonnes de gaz à effet de serre au cours de leur durée de vie de 30 ans, ce qui réduira la survie des oursons de l’ours polaire dans la population du sud de la mer de Beaufort d’environ 4 %.

Cependant, le lien entre réchauffement climatique et diminution démographique des ours polaires est encore loin d’être vérifiable alors que les populations d’ours polaires se portent plutôt mieux depuis quelques décennies.

Peut-on vraiment faire une relation entre réchauffement climatique et disparition des ours polaires ?

Un tel lien pourrait être un raccourci « étrange » selon Susan Crockford, une zoologiste canadienne spécialisée dans l’étude des ours polaires et de leur habitat dans l’Arctique qui tient un blog scientifique à contre-courant du ton alarmiste employé lorsque l’on évoque les ours polaires.
Susan Crockford dénonce une étude incomplète, non examinée par des pairs et utilisant des données tronquées : « l’affirmation selon laquelle les émissions de gaz à effet de serre peuvent être directement liées à la survie des oursons des ours polaires (c’est-à-dire plus d’émissions, plus de décès d’oursons) s’effondre complètement lorsque l’on sait que les incidents documentés de mauvaise survie des oursons dans la baie d’Hudson occidentale dans les années 1980 (…) n’ont pas été inclus dans le modèle de base de 2020 utilisé pour modéliser les résultats de ce nouvel article. » dénonce la zoologiste qui rappelle que la survie des oursons était tellement mauvaise dans les années 1980 que plusieurs femelles ont perdu l’ensemble de leurs portées, notamment en 1983 lorsque la fonte de la banquise arctique n’était pas encore un problème.

En 2022, des scientifiques du gouvernement canadien ont annoncé une diminution de 27 % du nombre d’ours polaires dans la baie d’Hudson occidentale entre 2017 et 2021. Les médias ont largement lié cette prétendue baisse à la perte de glace de mer due au changement climatique, mais les conditions de glace de mer ont été plutôt favorables au cours des cinq dernières années dans cette région. En outre, il faudrait aussi tenir compte de l’état de la population des phoques annelés, la principale proie des ours polaires.
Enfin, les observations d’ours polaires, animal symbolique et majestueux, sont devenues communes, et il semble légitime de s’interroger sur l’absence de nombreuses preuves photographiques de leur mauvais état.

Ce supposé lien mérite également d’être relativisé au regard de l’étude des climats passés. En effet, entre 11 300 ans et 9 700 ans avant notre ère, au début de l’Holocène, l’Arctique a connu une période de réchauffement connue sous le nom d’Optimum climatique de l’Holocène (HCO, en anglais Holocene Climatic Optimum). Pendant l’HCO, les températures estivales en Arctique étaient de 2 à 3 °C plus élevées que les températures actuelles.
Cette hausse de la température a entraîné la fonte de vastes étendues de glace de mer en été, ce qui a rendu l’Arctique presque exempt de glace pendant l’été. Les terres qui étaient autrefois couvertes de glace ont vu la végétation s’installer, créant des habitats favorables à la faune. Ce climat plus chaud a eu un impact sur la vie dans l’Arctique. Les espèces animales et végétales se sont adaptées à ces conditions, et certaines espèces qui sont aujourd’hui emblématiques de l’Arctique, comme les ours polaires, ont évolué pour survivre dans un environnement avec des périodes d’absence de glace en été.

Un puissant outil de communication et de pression sur les politiques

Dans tous les cas, Steven C. Amstrup et Cecilia M. Bitz estiment que leur étude a des implications au-delà des ours polaires et de la banquise. En effet, la même méthode d’analyse peut être adaptée à d’autres espèces et habitats directement liés au réchauffement planétaire, tels que les récifs coralliens et de nombreuses espèces qui voient leur habitat se réduire à cause du réchauffement climatique et de la montée du niveau de la mer.

Cette recherche a également des implications politiques fortes et attendues car elle permet une évaluation formelle de l’impact de nos activités sur les ours polaires. Aux Etats-Unis, en 2008, les ours polaires sont devenus la première espèce répertoriée en vertu de la loi sur les espèces en danger en raison du changement climatique. Or, la loi sur les espèces en danger exige que tous les projets autorisés par le gouvernement, y compris les baux pétroliers et gaziers, ne mettent pas davantage en danger les espèces répertoriées. Cependant, un document publié par le département de l’Intérieur des États-Unis en 2008, connu sous le nom d’avis Bernhardt, exigeait une preuve spécifique de la manière dont les émissions de gaz à effet de serre d’un projet proposé affecteraient la survie d’une espèce menacée par le changement climatique avant que la loi sur les espèces en danger puisse être pleinement mise en œuvre.

« J’espère que le gouvernement américain respectera son obligation légale de protéger les ours polaires en limitant les émissions de gaz à effet de serre dues à l’activité humaine« , a déclaré Bitz. « J’espère que des investissements seront faits dans les alternatives aux combustibles fossiles qui existent aujourd’hui et dans la découverte de nouvelles technologies évitant les émissions de gaz à effet de serre.« 


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