un danger pour l’environnement et notre santé ? Et les vêtements anti-UV ?

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© Christophe Magdelaine / www.notre-planete.info – Licence : CC BY-NC-SA

Produit phare de l’été, la crème solaire est indispensable pour se protéger du soleil. Depuis quelques années l’alerte est donnée sur leur composition. Elles seraient nocives pour la santé et l’environnement et ne respecteraient pas toujours l’indice de protection indiqué sur l’emballage. Les crèmes solaires : un dilemme impossible entre préservation de l’environnement et protection efficace ?

Avec une incidence de 3 à 15 cas pour 100 000, le mélanome cutané occupe la neuvième place des cancers tous sexes confondus. La majorité (65-95 %) des mélanomes cutanés sont provoqués par l’exposition aux ultraviolets (UV) naturels (soleil) et/ou aux UV artificiels (cabines de bronzage). L’accumulation des deux sources d’UV augmente considérablement la probabilité de survenue d’un cancer de la peau.

C’est pourquoi, l’application de crème solaire est une précaution entrée dans les mœurs des vacanciers. Toutefois, le choix de celle-ci peut s’avérer difficile pour la santé et l’environnement. Et pour cause, depuis quelques années on assiste à un duel marketing entre les crèmes solaires classiques chimiques, les crèmes solaires dites biologiques et les textiles anti-UV. Qu’en est-il vraiment ?

De nombreux produits ménagers contiennent également des filtres UV pour les protéger des dommages du soleil. Ils se trouvent dans les plastiques, les peintures et les textiles, ainsi que dans les cosmétiques comme les écrans solaires et les hydratants.

Il existe deux principaux types de filtres UV :

  • les formes inorganiques, qui contiennent des particules métalliques, comme le dioxyde de titane (TiO2) ou l’oxyde de zinc (ZnO) et bloquent physiquement les rayons du soleil comme de petits miroirs ;
  • et des filtres UV chimiques organiques, tels que la benzophénone-3 (BP-3 ou oxybenzone) et l’octinoxate (EHMC), qui absorbent chimiquement les rayons UV.

Impact des crèmes solaires sur l’Environnement

Crèmes solaires : une pollution planétaire

On estime que chaque seconde, 1 litre de crème solaire se dilue dans les océans, soit entre 6 000 et 14 000 tonnes chaque année. Dilués dans la mer durant la baignade ou dispersés par le vent sur les plages via les aérosols, les composés toxiques s’accumulent dans le sable et se déposent dans le fond des océans.

Des composés chimiques issus de protections solaires (parfums et filtres UV) ont même été découverts au pôle Nord, sur les glaciers de l’archipel du Svalbard (Norvège) à un moment où les protections solaires ne sont pas utilisées au pôle nord.
Ces agents solaires ont principalement été principalement déposés en hiver, lorsque la nuit tombe sur l’Arctique. « Beaucoup des contaminants que nous avons analysés, tels que le Benzophenone-3, l’Octocrylène, l’Ethylhexyl Methoxycinnamate et l’Ethylhexyl Salicylate, n’avaient jamais été identifiés dans la neige arctique auparavant« , a précisé Marianna D’Amico, doctorante en sciences polaires à l’Université Ca’ Foscari de Venise et auteur principal d’une étude publiée dans Science of the Total Environnement début 2024. « Les résultats montrent que la présence de contaminants émergents dans des zones éloignées peut être attribuée au rôle du transport atmosphérique à longue distance« , explique Marco Vecchiato, chercheur en chimie analytique à Ca’ Foscari et co-auteur de l’article. Autrement dit, ces contaminants ne peuvent venir que des régions continentales habitées à des latitudes plus basses.

La toxicité des crèmes solaires classiques pour l’environnement a été démontrée par plusieurs études scientifiques ces dernières années. Issus de la pétrochimie, les filtres UV ont en particulier un effet délétère et agressif sur les coraux et sont responsables de leur blanchissement. La Faculté des Sciences de l’Université Polytechnique des Marches en Italie indique qu’environ 10% des coraux mondiaux seraient impactés directement par les filtres anti-UV.

Impact des crèmes solaires sur les coraux

Souvent focalisé sur l’indice de protection, le consommateur oublie souvent de lire la liste des ingrédients de la crème solaire, quand celle-ci est compréhensible. Sur le banc des accusés on retrouve des composés comme le parabène, le silicone, l’oxybenzone qui sont des perturbateurs endocriniens supposés et reprotoxiques sur la faune marine. Mais aussi l’octocrylène, dont la toxicité sur les coraux a été mis en évidence par une équipe de chercheurs de l’Observatoire océanologique de Banyuls-sur-Mer dans une étude parue en 2018 dans la revue Analytical Chemistry et qui a donné lieu à l’interdiction de crèmes solaires toxiques contenant cette molécule aux îles Palaos début 2020.

Le 15 juin 2020, la même équipe a publié l’avancée de ses travaux dans la revue Scientific Report. L’étude démontre que la molécule d’octocrylène s’accumule dans les coraux sous la forme d’acides gras particuliers. Ces derniers attaqueraient les fonctions vitales des coraux (nutrition, reproduction…).
L’exposition à ce filtre anti-UV chimique génère un stress pour le corail, qui en réponse sécrète un stéroïde. C’est cette molécule stéroïde, utilisée comme traceur, qui a permis d’évaluer et de quantifier le stress des coraux. La concentration de stéroïdes sécrétées est d’autant plus élevée que l’exposition des coraux au filtre UV est importante. Les mêmes résultats ont été obtenus pour la benzophénone-3 et le salicylate d’éthylhexyle.

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Corail mort sur une plage – Indonésie
© Christophe Magdelaine / www.notre-planete.info – Licence : Tous droits réservés

Un article de début 2021 publié dans la revue Environmental Toxicology and Chemistry (ET&C) résume la littérature scientifique évaluant l’impact des filtres UV organiques sur les écosystèmes coralliens. Ses auteurs concluent qu’il existe des preuves limitées suggérant que les filtres UV organiques causent des dommages importants aux récifs coralliens. Cependant, les scientifiques estiment qu’il est prématuré de conclure que les filtres UV organiques n’ont pas d’impact négatif sur les récifs coralliens, les expériences menées n’étant pas toutes bien fiables. Dans leur article, Carys Mitchelmore et ses collègues proposent de « développer un cadre d’évaluation des risques pour l’environnement corallien. Enquêter sur les coraux et en classer par ordre de priorité les facteurs de stress permettrait aux régulateurs, aux décideurs et aux scientifiques d’optimiser la conservation et les activités de gestion.« .

Le déclin des coraux est un phénomène connu depuis plusieurs années et de plus en plus inquiétant. Une menace prise très au sérieux par les législateurs hawaïens qui ont adopté le 1er mai 2018 un projet de loi visant à interdire la vente d’écran solaire contenant de l’oxybenzone et de l’octinoxate. Doté d’une faune et d’une flore exceptionnelle, l’archipel d’Hawaï fait figure de pionner avec la Micronésie dans cette mesure de prévention pour la sauvegarde de la barrière de corail.

Profitant des preuves scientifiques limitées, le Centre Scientifique de Monaco et L’Oréal Recherche & Innovation a conclu dans un communiqué de février 2019 que les filtres UV sur l’activité photosynthétique des coraux n’étaient pas néfastes. L’étude a été publié dans la revue scientifique Coral Reef en février 2019. Sur les huit chercheurs ayant participé à l’étude, cinq étaient salariés de l’Oréal. Un critère qui, certes, ne suffit pas à discréditer une étude scientifique mais qui invite à la vigilance face au possible conflit d’intérêt…

La menace des nanoparticules sur la santé

Les crèmes solaires biologiques contiennent des Filtres UV minéraux comme le dioxyde de titane et le dioxyde de zinc que l’on retrouve à l’état naturel dans le sable. Cependant, ces deux composés sont souvent présents sous forme nanoparticulaire dans les cosmétiques. Ces dernières années, les nanoparticules se sont introduites progressivement dans nos cosmétiques sans évaluation de leur potentielle dangerosité. Quasi indétectables en raison de leur taille (de l’ordre du nanomètre : 10-9), les nanoparticules ont la faculté de franchir toutes les barrières biologiques.

Aux Pays-Bas, l’université de Wageningen a démontré un lien de cause à effet entre la présence de nanoparticules et des perturbations dans la reproduction des moules. Sous forme micrométrique, les poussières de dioxyde de titane sont source d’irritations oculaires et d’irritations mécaniques des voies respiratoires. Sous forme nanométrique, le TiO2 ne semble pas allergène sur la couche supérieure de la peau. Cependant, plusieurs études concordent à dire que l’application de crèmes solaires contenant du dioxyde de titane est inoffensive sur peau saine, mais beaucoup moins sur des peaux lésées ou des sujets présentant une maladie cutanée (Yoshioka et al., 2017). Les experts mettent en garde principalement contre l’inhalation des nanoparticules contenues dans les sprays et aérosols, car leur taille leur permet de pénétrer très profondément dans le système respiratoire et de passer dans le sang via les alvéoles pulmonaires. Le dioxyde de titane est classé par le centre international de recherche sur le cancer (CIRC) dans le groupe des substances « cancérogènes possibles chez l’Homme (2B) » depuis 2006. Capables de franchir chez l’homme la barrière hémato-encéphalique, les nanoparticules sont hautement suspectées de provoquer des inflammations et lésions pré-cancéreuses.

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© Christophe Magdelaine / www.notre-planete.info – Licence : Tous droits réservés

Dans le rapport d’Avril 2018 du Haut Conseil de la Santé Publique relatif aux connaissances sur les effets des nanoparticules de dioxyde de titane (TIO2) sur le santé humaine, page 54, on sait que le dioxyde de Titane peut atteindre le placenta et le fœtus, y compris via la muqueuse buccale.

Les crèmes solaires certifiées « Bio »

La mention « nano » est obligatoire sur tous les produits cosmétiques qui en contiennent or, l’association UFC Que Choisir a démontré que cette obligation n’était presque jamais respectée. Dans le cas des cosmétiques certifiés bio, l’utilisation des nanoparticules est réglementée.  Elles sont interdites en dessous d’une certaine taille (100 nanomètres). Une crème solaire « bio » ne vous garantit donc pas l’absence de nanoparticules.

Pour un impact écologique significatif, d’autres paramètres doivent être pris en considération. Les matériaux utilisés pour la fabrication des tubes de crèmes solaires comptent. Privilégier les tubes et crèmes biodégradables ou recyclables est bien entendu tout aussi importante pour éviter de contribuer à la pollution des plages et océans.

Cependant, les crèmes solaires « bio » atteignent difficilement l’efficacité d’une crème solaire classique. Les filtres UV chimiques restent à ce-jour les meilleurs protecteurs contre les UVA et UVB. Les filtres minéraux contenus dans les crèmes solaires « bio » peinent à respecter l’indice de protection mentionné sur l’emballage. Elles doivent en général être appliquées plus souvent et en couche généreuse sur la peau pour une protection comparable à celle de leurs homologues chimiques. Minimale. 

Les textiles anti-UV

Face à la toxicité des filtres UV chimiques et le manque d’efficacité des filtres UV naturels, les textiles anti-UV ont le vent en poupe depuis quelques temps et pourraient bien présenter une vraie alternative aux crèmes solaires et à tous les désagréments qui en découlent pour la santé et l’environnement.

Les recommandations sur le port du T-shirt et du chapeau sur la plage pour les enfants durant les vacances d’été ne protège pas pleinement contre les rayons du soleil. Les textiles traditionnels, en fibres naturelles, ne sont pas conçus pour faire barrage aux UV. Ils constituent une protection par défaut qui atténue leur passage mais ne représentent en aucun cas un écran total.

Des vêtements de protection fabriqués avec des tissus contenant des filtres UV sont commercialisés et présentent l’avantage d’être efficace secs comme mouillés. Principalement fabriqués en polyester ou élasthanne, ces fibres synthétiques contiennent des filtres UV naturels comme le dioxyde de titane qui réfléchit les rayons.

Là encore, Philippe Lebaron, enseignant-chercheur au Laboratoire de Biodiversité et Biotechnologies Microbiennes, nous met en garde contre le fait que de l’oxybenzone est parfois ajouté à la composition des vêtements. Un procédé difficile à repérer pour le consommateur, car rarement indiqué sur l’étiquette.

Enfin, pour un achat éclairé, il est de mise de vérifier que les textiles anti-UV respectent certaines normes. Parmi elles, citons les normes UV-Standar 801, qui détermine la résistance et la qualité des anti-UV ou encore UPF 50+ qui garantit une protection anti UV maximale (98 % des UV stoppés).

De grands progrès dans la recherche des filtres solaires restent à faire. En attendant on ne peut que conseiller aux consommateurs de lire attentivement la composition des crèmes. Les vêtements anti-UV semblent efficaces et compatibles avec la préservation de l’environnement mais ne sont pas au goût de tous. Bikini et short de bain ont encore de beaux jours devant eux.


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