🌆 Ilot de chaleur urbain : définition, causes et conséquences

L’Ă®lot de chaleur urbain (ICU) : dĂ©finition et fonctionnement

Les Hommes de sciences se sont depuis l’AntiquitĂ© intĂ©ressĂ©s aux relations entre le climat et la ville, que ce soit tout d’abord dans la prise en compte des conditions climatiques d’un site pour l’implantation et la conception architecturale des citĂ©s ou, plus tard, dans l’influence de la ville sur ses habitants et son environnement, notamment en matière de pollution de l’air.
Cependant, la mise en Ă©vidence d’un climat spĂ©cifiquement urbain n’intervient qu’au dĂ©but du XIXe siècle, lorsque le pharmacien britannique Luke Howard publie entre 1818 et 1820 Le climat de Londres, ouvrage qui Ă©tudie, Ă  partir d’une sĂ©rie de relevĂ©s mĂ©tĂ©orologiques d’une pĂ©riode de neuf ans, la tempĂ©rature, les prĂ©cipitations et le brouillard, le fameux smog, de la capitale anglaise. Il note ainsi une diffĂ©rence des tempĂ©ratures nocturnes de l’ordre de 3,70 °C entre le centre de Londres et sa campagne, ce que l’on nomme aujourd’hui « îlot de chaleur urbain ».

L’Ă®lot de chaleur urbain est un effet de dĂ´me thermique, crĂ©ant une sorte de microclimat urbain oĂą les tempĂ©ratures sont significativement plus Ă©levĂ©es : plus on s’approche du centre de la ville, plus il est dense et haut, et plus le thermomètre grimpe.

Coupe schématique de visualisation des températures en 2008 pour une nuit de canicule (type été 2003)
© Groupe DESCARTES – Consultation internationale de recherche et de dĂ©veloppement sur le grand pari de l’agglomĂ©ration parisienne, 02/2009

Selon une Ă©tude publiĂ©e en mars 2018 dans Physical Review Letters, aux États-Unis, le phĂ©nomène d’Ă®lot de chaleur urbain (ICU) – urban heat island (UHI) – concerne plus de 80 % de la population vivant dans les zones urbaines.


Facteurs qui influent sur l’Ă®lot de chaleur urbain


Les diffĂ©rentes Ă©tudes sur les Ă®lots de chaleur urbains ont montrĂ© que ces diffĂ©rences de tempĂ©ratures sont un phĂ©nomène assez complexe oĂą s’entremĂŞlent causes et effets. L’Ă®lot de chaleur urbain, très variable, est dĂ©pendant du « type de temps » mais aussi de la situation gĂ©ographique, climatique, de la couverture vĂ©gĂ©tale et de la topographie de la ville.


Le moment de la journée

L’Ă®lot de chaleur est tout d’abord dĂ©pendant du moment de la journĂ©e. Comme Howard l’avait dĂ©jĂ  remarquĂ©, l’Ă®lot de chaleur urbain est surtout marquĂ© la nuit lors des minima de tempĂ©ratures. « En gĂ©nĂ©ral, l’Ă®lot de chaleur urbain commence Ă  croĂ®tre en fin d’après-midi et augmente au coucher du soleil pour atteindre son maximum au milieu de la nuit. Par nuit calme, il se crĂ©e alors une sorte de « bulle de chaleur » sur la ville », prĂ©cise MĂ©tĂ©o-France.

A Paris la diffĂ©rence peut parfois dĂ©passer les 10 °C Ă  l’Ă©chelle journalière entre le centre de la ville et la campagne la plus froide comme se fut le cas le 30 septembre 1997 oĂą l’on a repĂ©rĂ© une diffĂ©rence de 11,4 °C[1].

Cela est directement dĂ» Ă  l’urbanisation car la chaleur urbaine provient du bâti et du sol qui restituent l’Ă©nergie emmagasinĂ©e dans la journĂ©e.


L’occupation du sol et son albĂ©do

En effet, le bâti, selon son albĂ©do (indice de rĂ©flĂ©chissement d’une surface) absorbe ou rĂ©flĂ©chi l’Ă©nergie solaire. Ainsi, la ville absorbe pendant la journĂ©e 15 Ă  30 % d’Ă©nergie de plus qu’une aire urbaine[2]. Cette Ă©nergie est ensuite restituĂ©e lentement la nuit sous forme d’infrarouge (chaleur). Or, la gĂ©omĂ©trie du bâti piège cette Ă©nergie thermique.

La minéralité des villes et la densité du bâti sont donc des éléments fondamentaux dans la formation des îlots de chaleur.

Divers albĂ©dos de la ville. Compris entre 0 et 1 l’albĂ©do caractĂ©rise le pouvoir rĂ©flĂ©chissant d’un support. A 1 l’Ă©nergie lumineuse est entièrement renvoyĂ©e.
© NASA

L’eau et la vĂ©gĂ©tation constituent des moyens de rafraĂ®chissement : par Ă©vaporation et Ă©vapotranspiration, elles rafraĂ®chissent l’air dans la journĂ©e. Cependant, l’eau ruisselle tellement rapidement vers les Ă©missaires artificiels (Ă©goĂ»ts…) Ă  cause de l’impermĂ©abilitĂ© du sol urbain qu’ellle n’a pratiquement pas le temps de s’Ă©vaporer. Or l’Ă©vaporation entraĂ®ne un rafraĂ®chissement de l’air car le passage de l’Ă©tat liquide Ă  l’Ă©tat gazeux consomme des calories (environ 600 par gramme d’eau Ă©vaporĂ©).

La vĂ©gĂ©tation « transpire », Ă©vaporant l’eau prĂ©sente en profondeur dans le sol. Grâce Ă  cette Ă©vapotranspiration, vĂ©gĂ©taux et sols n’accumulent pas l’Ă©nergie solaire reçue au cours de la journĂ©e. Ainsi, selon les conclusions du projet de recherche MUSCADE, rendues publiques dĂ©but octobre 2014, la vĂ©gĂ©talisation de pleine terre est plus efficace que celle des toits pour rafraĂ®chir l’air de la ville. Les toits vĂ©gĂ©talisĂ©s ont une influence limitĂ©e sur le confort extĂ©rieur mais peuvent amĂ©liorer l’isolation du bâti. Dans tous les cas, la vĂ©gĂ©tation doit ĂŞtre suffisamment arrosĂ©e pour avoir un effet rafraĂ®chissant en Ă©tĂ©, ce qui implique de dĂ©velopper des systèmes de gestion de l’eau Ă  l’Ă©chelle locale (rĂ©cupĂ©ration d’eau Ă  l’Ă©chelle du quartier ou du bâtiment).

« En ville, l’Ă©nergie solaire est au contraire emmagasinĂ©e dans les matĂ©riaux des bâtiments et le bitume des routes et des parkings, des surfaces impermĂ©ables empĂŞchant l’Ă©vaporation de l’eau des sols. Lorsque la nuit arrive, cette Ă©nergie est restituĂ©e Ă  l’atmosphère urbaine. La nuit, l’air au-dessus de la ville se refroidit donc moins vite qu’Ă  la campagne » explique MĂ©tĂ©o-France.

La-Rochelle-soleil-arbre
La Rochelle au coucher du soleil
© Christophe Magdelaine / www.notre-planete.info – Licence : Tous droits rĂ©servĂ©s

Bien sĂ»r, l’ombre des arbres permet de conserver une certaine fraĂ®cheur et plus le houppier est dĂ©veloppĂ©, mieux c’est. Ainsi, le projet COOLTREES a montrĂ© qu’en plein soleil, la tempĂ©rature mesurĂ©e est 7 °C plus faible sous les arbres Ă  13 heures.
Toutefois, cet avantage reste limitĂ© Ă  leur environnement immĂ©diat. Les zones dĂ©pourvues d’arbres prĂ©sentaient des tempĂ©ratures radiantes moyennes nettement plus Ă©levĂ©es, et l’effet des arbres sur la tempĂ©rature de l’air diminuait Ă  mesure que l’on s’Ă©loignait du couvert vĂ©gĂ©tal (Hashemi et al. PA. Buildings 2023).


La circulation d’air

L’Ă®lot de chaleur urbain dĂ©pend Ă©galement des vents. Un vent fort va favoriser la circulation de l’air et donc diminuer le rĂ©chauffement du substratum urbain par un air chaud. A l’inverse, un vent faible entraĂ®ne une stagnation des masses d’air qui ont alors le temps de rĂ©chauffer le bâti : ainsi, plus le temps est calme et dĂ©gagĂ©, plus l’Ă®lot de chaleur urbain est intense. De plus, la forme urbaine joue sur le rĂ©gime des vents : une rue Ă©troite et encaissĂ©e, formant un canyon, empĂŞchent les vents de circuler et fait alors stagner les masses d’air.


Les activités humaines

Enfin, il est important de noter ici l’importance de la chaleur anthropique, notamment en hiver : chauffage, climatisation, industries, circulation automobile, Ă©clairage, etc. sont autant de facteurs qui font augmenter les tempĂ©ratures et la pollution (qui elle aussi indirectement par effet de serre rĂ©chauffe l’atmosphère au niveau mondial) et donc favorisent l’apparition d’un Ă®lot de chaleur[3] mais aussi plus simplement rĂ©chauffe la ville, mĂŞme en l’absence d’Ă®lot de chaleur urbain.
Par exemple, une route Ă©clairĂ©e aura une tempĂ©rature d’1°C supĂ©rieure par rapport Ă  une route non Ă©clairĂ©e.


Ville Ă©tendue ou ville compacte ?

l’Ă®lot de chaleur urbain est peu influencĂ© par l’expansion urbaine. Toutefois, le confort thermique des habitants est dĂ©gradĂ© en ville compacte, du fait de la concentration de population dans le centre de l’agglomĂ©ration, indiquent les rĂ©sultats du projet MUSCADE. Plus une ville est organisĂ©e, comme la plupart des villes nord-amĂ©ricaines, plus l’effet des Ă®lots de chaleur urbains est important et plus la chaleur reste piĂ©gĂ©e, et inversement pour les villes « dĂ©sorganisĂ©es », dont les cĹ“urs de villes historiques oĂą la chaleur s’Ă©vacue facilement montre l’Ă©tude publiĂ©e dans Physical Review Letters en mars 2018[6].

Mais ce n’est pas si simple car « l’utilisation de bâtiments plus hauts et plus denses ainsi que de surfaces de chaussĂ©e avec un albĂ©do plus Ă©levĂ© pourrait ĂŞtre envisagĂ©e pour favoriser des conditions thermiques plus confortables, en particulier dans les blocs urbains avec une couverture vĂ©gĂ©tale moins importante » explique Guangqing Chi, professeur de sociologie rurale, de dĂ©mographie et de sciences de la santĂ© publique qui a Ă©tudiĂ© le cas de la ville de Philadelphie (USA).


De plus, dans un contexte de rĂ©chauffement climatique, les consommations d’Ă©nergie du bâti restent similaires pour les villes Ă©tendues et compactes. Ainsi, l’impact d’une politique de contrĂ´le de l’Ă©talement urbain a peu d’influence sur les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre rĂ©sultant des consommations d’Ă©nergie des bâtiments. Ces Ă©missions sont essentiellement conditionnĂ©es par les choix des technologies pour les moyens de transport.

L’exploitation de l’Ă©nergie solaire

L’utilisation de panneaux solaires permet de diminuer très lĂ©gèrement l’Ă®lot de chaleur urbain indique le projet MUSCADE. En outre, dans la perspective d’un climat de plus en plus chaud, la production d’Ă©nergie solaire rĂ©sultant de l’implantation massive de panneaux photovoltaĂŻques sur les toits pourrait compenser Ă  l’Ă©chelle annuelle la consommation d’Ă©nergie des bâtiments pour le chauffage et la climatisation.


ConsĂ©quences de l’Ă®lot de chaleur urbain


Les Ă®lots de chaleur sont Ă  leur tour Ă  l’origine de transformations de phĂ©nomènes mĂ©tĂ©orologiques. Ainsi, ils font diminuer l’humiditĂ© relative, le nombre de jour de gel et les brouillards. De plus, ils modifient le rĂ©gime des pluies en faisant diminuer les perturbations en hiver lorsque le temps est stable, mais, lorsque le temps est instable, l’Ă®lot de chaleur urbain provoque une augmentation de l’intensitĂ© des prĂ©cipitations provoquant parfois de violents orages car « la ville perturbe principalement la circulation convective des masses d’air. Son influence est ainsi marquĂ©e sur les phĂ©nomènes violents comme les fortes averses, les orages ou encore les chutes de grĂŞle. Les journĂ©es d’orage peuvent ainsi augmenter de 20 Ă  30 % (DuchĂŞne-Marullaz, 1980)« [4].

De plus, les Ă®lots de chaleur urbains influencent des paramètres qui dans une interrelation vont le renforcer. Ainsi, les diffĂ©rences de chaleur entre centre et pĂ©riphĂ©rie (tout comme entre des lieux chauds comme les rues et des lieux frais comme les parcs Ă  plus petite Ă©chelle) sont Ă  l’origine de « brises de campagne », c’est-Ă -dire des vents thermiques faibles qui vont des zones froides aux zones plus chaudes, favorisant ainsi la concentration de polluants dans les secteurs les plus urbanisĂ©s et les plus denses, autrement dit les secteurs qui souffrent dĂ©jĂ  le plus des Ă®lots de chaleur.

Notons enfin que si les Ă®lots de chaleur urbain ne sont ni une cause, ni une consĂ©quence du changement climatique, les effets de l’un sur l’autre aggravent les impacts de chacun. Ainsi, le rĂ©chauffement climatique accentue l’effet de l’Ă®lot de chaleur urbain. De mĂŞme, dans une bien moindre mesure toutefois, les dynamiques qui prĂ©sident Ă  la formation des Ă®lots de chaleur urbain et leurs consĂ©quences (consommations d’Ă©nergie pour se rĂ©chauffer ou se rafraĂ®chir, pollutions…) contribuent au changement climatique.

Dans les pays aux climats chauds ou tempĂ©rĂ©s, l’effet « ICU’ augmente significativement la facture Ă©nergĂ©tique. En revanche, pour des rĂ©gions aux climats froids, il peut potentiellement permettre de rĂ©duire la demande Ă©nergĂ©tique.

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Mesures de tempĂ©ratures sur diffĂ©rents substrats dans la commune polonaise de Tchèque-Dziedzice, samedi 19 juin 2021 vers 11 h 30. La tempĂ©rature de l’air Ă©tait alors de 28,5°C.
Auteur : Czechowiczanie dla przyrody – Licence : DR

Comment lutter contre l’Ă®lot de chaleur urbain ?

Le meilleur moyen de diminuer l’effet d’Ă®lot de chaleur urbain, et favoriser l’abaissement des tempĂ©ratures tant diurnes que nocturnes, difficilement soutenables pendant les pĂ©riodes de canicule, est de vĂ©gĂ©taliser les villes et diminuer l’impermĂ©abilisation du sol. Malheureusement, l’artificialisation des sols ne cesse de progresser en Europe.

L’Observatoire des villes vertes rappelle que la végétalisation de la ville reste le moyen le plus simple, pérenne et efficace pour lutter contre la chaleur excessive.
Planter des arbres va apporter de l’ombre et de la fraĂ®cheur tout en absorbant une grande quantitĂ© d’énergie solaire. Les arbres assurent en effet une rĂ©gulation naturelle des tempĂ©ratures. En outre, ils purifient l’air, l’eau et les sols, et assurent une Ă©vacuation et un filtrage naturels des eaux pluviales.

La végétalisation et « renaturation » peut aussi se faire sur les murs et les toitures, même si beaucoup pensent que cela « fait sale », par exemple en laissant le lierre pousser.

Les Ă©tendues d’eau participent Ă©galement Ă  la rĂ©gulation thermique des villes. A titre d’exemple, la Seine qui traverse Paris, rafraĂ®chit jusqu’Ă  30 mètres au-delĂ  de ses rives ; mais son impact est souvent annihilĂ© par la bĂ©tonisation des berges.

Alors que les consĂ©quences de l’Ă®lot de chaleur urbain sont de plus en plus marquĂ©es et insoutenables, les amĂ©nageurs et promotteurs continuent de construire des lotissements toujours plus denses, avec de moins de moins d’espaces verts et de jardins, pour multiplier leurs revenus profitant ainsi de l’indiffĂ©rence, voire la complaisance des Ă©lus locaux. En outre, les jardins des nouveaux lotissements sont de plus en plus petits et de plus en plus artificiels. En effet, le peu d’espace vert privĂ© est quasi systĂ©matiquement impermĂ©abilisĂ© : gravillons, pelouse synthĂ©tique, goudron, terrasse… La vĂ©gĂ©tation spontanĂ©e n’est pas la bienvenue et de nombreuses haies chez les particuliers sont Ă©galement dĂ©truites pour ĂŞtre remplacĂ©es par des murs.

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Chantier de construction de maisons
© Christophe Magdelaine / www.notre-planete.info – Licence : CC BY-NC-ND

Des matériaux de construction innovants

Plusieurs projets de matĂ©riaux plus adaptĂ©s au rĂ©chauffement urbain sont en cours de dĂ©veloppement comme l’Ă©co-pavĂ© dĂ©veloppĂ© dans le cadre du projet FRESH-ECOPAVERS.

Les travaux porteront sur l’optimisation des revĂŞtements de pavĂ©s drainants Ă  base de coproduits coquilliers brevetĂ©s dès 2015 par l’ESITC Caen. La propriĂ©tĂ© de rĂ©tention d’eau de ce matĂ©riau, conçu initialement pour amĂ©liorer l’Ă©vacuation des prĂ©cipitations et prĂ©venir les risques d’inondations, devrait ĂŞtre en mesure de restituer la fraĂ®cheur du sol en condition de forte chaleur et crĂ©er des Ă®lots de fraĂ®cheur. L’ESITC Caen et ses partenaires vont s’attacher Ă  mieux comprendre le fonctionnement des pavĂ©s poreux dans la gestion de la chaleur, Ă  l’Ă©chelle des laboratoires, puis Ă  travers des rĂ©alisations pilotes implantĂ©es sur le territoire de la VallĂ©e de Seine. Ce projet s’inscrit dans le principe d’Ă©conomie circulaire puisqu’il rĂ©pond Ă  une demande locale de recyclage des coquillages disponibles en grandes quantitĂ©s sur le littoral normand.


De la pollution de l’air au changement climatique


Les années 1970 : le prisme de la pollution atmosphérique

L’Ă©tude de J. Dettwiller, « Evolution sĂ©culaire du climat de Paris, Influence de l’urbanisation », paru en 1970 et qui semble ĂŞtre l’une des premières rĂ©fĂ©rences françaises, dĂ©crit, Ă  partir des relevĂ©s des stations mĂ©tĂ©orologiques, les diffĂ©rences entre le centre de l’agglomĂ©ration parisienne et les limites de la zone urbaine tant en ce qui concerne les tempĂ©ratures, que les prĂ©cipitations, les vents, l’humiditĂ© relative ou les brouillards. Il montre alors bien les difficultĂ©s pour rĂ©aliser de telles Ă©tudes dues au manque de donnĂ©es (le nombre de stations mĂ©tĂ©orologiques de l’agglomĂ©ration parisienne est largement insuffisant).
Si Dettwiller ne fait pas encore ressortir concrètement les consĂ©quences et les usages de ses observations, il commence Ă  apparaĂ®tre que cela pourrait servir Ă  l’amĂ©nagement, notamment pour situer certaines installations polluantes en fonction du climat : « C’est un apport considĂ©rable au dossier du climat des villes. […] Elle nous enseigne que nous avons beaucoup Ă  apprendre encore sur ces climats, constatation peu rĂ©confortante puisque la connaissance de ces derniers aurait (ou devrait) servir de fondements Ă  la mise en place des zones industrielles, rĂ©sidentielles et d’affaires » (Loup, 1971).

Ce mouvement qui lie climat urbain et environnement ne fait que grandir avec les craintes de plus en plus prĂ©cises et mĂ©diatiques, notamment en matière de pollution atmosphĂ©rique. La demande sociale de connaissance permet alors Ă  la climatologie urbaine, en s’orientant vers ces questions, de sortir de son carcan et de trouver un Ă©cho dans les mouvements environnementalistes et Ă©cologistes qui naissent Ă  cette Ă©poque.

A Paris, la pollution atmosphĂ©rique demeure très problĂ©matique. Ainsi, G. Escourrou fait directement le lien entre Ă®lot de chaleur et diffusion des polluants (1986) et prĂ©conise alors, comme le suggĂ©rait J. Loup en 1971, des lieux d’implantation pour les industries polluantes. Cette Ă©tude, basĂ©e sur les relevĂ©s des stations mĂ©tĂ©orologiques d’Ile-de-France et sur des relevĂ©s effectuĂ©s Ă  divers endroits, souligne encore une fois le manque de moyens techniques pour mesurer efficacement les variations climatiques entre deux points. Les images satellites n’ont alors pas encore rĂ©ellement fait leur entrĂ©e sur la scène scientifique française qui semble alors en retard sur les Ă©tudes Ă©trangères et particulièrement amĂ©ricaines.


Une perte d’intĂ©rĂŞt dans les annĂ©es 1990

Ancienne usine d’incinĂ©ration d’Issy Les Moulineaux
© C. Magdelaine / notre-planete.info

Mais cette fois encore, l’intĂ©rĂŞt retombe car les problĂ©matiques qui avaient portĂ© la lumière sur le climat urbain vont ĂŞtre en partie rĂ©glĂ©es. En effet, la pollution atmosphĂ©rique va ĂŞtre prise très au sĂ©rieux et des mesures vont ĂŞtre mises en place. En 1979, est crĂ©Ă© Airparif, chargĂ© de la surveillance de la qualitĂ© de l’air. Mais c’est durant les annĂ©es 1990 que la loi sur l’air de 1996 va fixer les base d’une vraie politique de limitation de la pollution atmosphĂ©rique. Elle vise ainsi Ă  « renforcer de manière significative les volets observation et information sur la qualitĂ© de l’air » en instaurant les plans rĂ©gionaux pour la qualitĂ© de l’air (PRQA) et les plans de protection de l’atmosphère (PPA). De mĂŞme, le 1er octobre 1997 lors d’un pic de pollution au dioxyde d’azote, est mise en place une circulation alternĂ©e limitant la circulation des vĂ©hicules trop polluants. Bien que cette opĂ©ration n’ait fait diminuer les Ă©missions que de 20 %, aujourd’hui la qualitĂ© de l’air de l’agglomĂ©ration parisienne s’est quelque peu amĂ©liorĂ©e depuis une vingtaine d’annĂ©es. Ainsi, les Ă©missions de dioxyde de soufre (SO2) ont Ă©tĂ© divisĂ©es par 20 et les particules (« fumĂ©es noires ») par huit en 40 ans. Cependant, les particules, l’oxyde d’azote (NOx) et les composĂ©s organiques volatils (COV) stagnent ou reculent très lentement alors que l’ozone (O3) augmente quelque peu (ADEME).

Plus que par les rĂ©glementations, la baisse de la pollution, et par la mĂŞme de l’attention pour la climatologie urbaine, provient de la dĂ©sindustrialisation, particulièrement en rĂ©gion parisienne, des annĂ©es 1980 et 1990. Les Ă©tudes qui entraient dans la thĂ©matique « îlot de chaleur » par le prisme de la pollution atmosphĂ©rique ne semblent plus se justifier au regard du grand public et des dĂ©cideurs. Toutefois, cette problĂ©matique va ressurgir avec le changement climatique.


La reprise en compte du climat urbain dans la perspective du changement climatique

© C. Magdelaine / notre-planete.info

La grande rupture en France est marquĂ©e, au tournant du siècle, par l’entrĂ©e sur la scène politique et mĂ©diatique du changement climatique d’une part, et, d’autre part, par un Ă©vĂ©nement sanitaire inĂ©dit en France jusqu’alors, la canicule du mois d’aoĂ»t 2003, qui entraĂ®ne une surmortalitĂ© de près de 60 %, soit près de 14 800 personnes en France entre le 1er et le 20 aoĂ»t. La rĂ©gion parisienne est quant Ă  elle encore plus touchĂ©e puisque l’on a enregistrĂ© une surmortalitĂ© de 134 % sur la rĂ©gion ĂŽle-de-France soit plus de 4 800 dĂ©cès excĂ©dentaires par rapport au nombre attendu (ORS, 2003a).

Ces deux Ă©lĂ©ments vont faire passer l’Ă®lot de chaleur urbain du domaine de la nuisance au domaine du risque. L’Ă®lot de chaleur urbain n’est plus une simple gĂŞne pour les citadins, ce n’est plus une question d’inconfort lors des fortes chaleurs estivales sans rĂ©elles consĂ©quences. A prĂ©sent, il s’agit d’un risque, c’est-Ă -dire la combinaison entre un alĂ©a (ici la canicule), sa probabilitĂ© d’occurrence et un enjeu, dans ce cas de santĂ© publique pour les populations vivant en ville. Les diffĂ©rents travaux sur le changement climatique, et notamment ceux du GIEC qui revĂŞt une importance politique singulière (Dahan Dalmedico, 2006), montrant que les Ă©pisodes caniculaires devraient se multiplier dans les zones tempĂ©rĂ©es dans les annĂ©es Ă  venir, l’Ă®lot de chaleur urbain passe alors au centre des prĂ©occupations politiques et sociales afin de limiter les consĂ©quences sanitaires des canicules.

La question des pollutions passe alors clairement au second plan dans les Ă©tudes sur le climat urbain, toutes se concentrant sur les moyens d’adaptation et d’attĂ©nuation pour prĂ©venir le risque canicule. C’est donc, finalement, après de nombreuses apparitions et disparitions, par ce biais que les Ă®lots de chaleur urbains prennent aujourd’hui toute leur importance dans la recherche en climatologie, et la recherche de moyens pratiques de prĂ©vention vont permettre d’ouvrir la question Ă  d’autres domaines de compĂ©tence.


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