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Une nouvelle Ă©tude mondiale confirme le risque croissant d’extinction pour les requins et les raies des profondeurs.
Les requins et les raies des profondeurs font partie des vertĂ©brĂ©s marins les plus sensibles Ă la surexploitation, principalement Ă cause de la pĂȘche. « Les requins et les raies des profondeurs sont recherchĂ©s pour leur viande et leur huile de foie« , dĂ©clare Dr Brittany Finucci, une scientifique halieutique basĂ©e Ă l’Institut national de recherche sur l’eau et l’atmosphĂšre (NIWA) en Nouvelle-ZĂ©lande. « Bien que ces pĂȘcheries ne soient pas nouvelles, l’expansion et la diversification mondiales de l’utilisation et du commerce des requins et des raies des profondeurs sont prĂ©occupantes.«Â
Les requins et les raies des profondeurs (poissons chondrichtyens avec les chimĂšres) passent la majeure partie de leur vie Ă des profondeurs supĂ©rieures Ă 200 mĂštres. Or, ils figurent parmi les espĂšces de vertĂ©brĂ©s marins les plus vulnĂ©rables Ă la surexploitation en raison de leur longue durĂ©e de vie et de leurs faibles taux de reproduction. Par exemple, le Requin du Groenland et le Squale-chagrin de l’Atlantique ont des taux de croissance de population respectivement comparables Ă ceux du cachalot et du morse.
La classe des chondrichtyens comprend trois grandes lignĂ©es : les requins, les raies et les chimĂšres (un groupe relativement petit constituĂ© principalement d’espĂšces des profondeurs). Les chondrichtyens constituent la plus ancienne et la plus grande radiation Ă©volutive de vertĂ©brĂ©s et l’une des trois classes taxonomiques de poissons. PrĂšs de la moitiĂ© (45 %) de la diversitĂ© mondiale de tous les requins et raies se trouve dans les profondeurs de l’OcĂ©an.
Ainsi, les Chondrichtyens sont particuliĂšrement sensibles Ă la surpĂȘche car leur croissance est lente et leur fĂ©conditĂ© est faible.
Les requins et les raies sont recherchĂ©s pour leur viande, leur peau, leur huile (pour le biodiesel, les cosmĂ©tiques, les adjuvants dans les vaccins), leurs ailerons, leurs plaques branchiales et pour le loisir (pĂȘche et plongĂ©e).
C’est pourquoi, « la plupart des requins et raies des profondeurs ne peuvent seulement supporter qu’une pression de pĂȘche trĂšs faible« , explique Dr Nicholas Dulvy, professeur Ă l’UniversitĂ© Simon Fraser au Canada. « Certaines espĂšces peuvent mettre 30 ans ou plus pour atteindre leur maturitĂ©, et jusquâĂ 150 ans pour le Requin du Groenland, et ne produisent que 12 petits pendant toute leur vie. En raison de leur grande taille et de leur distribution Ă©tendue, les requins et les raies des profondeurs jouent un rĂŽle Ă©cologique vital en concentrant et en dispersant les nutriments dans les habitats ocĂ©aniques profonds.«Â
Depuis les annĂ©es 1990, la conservation des requins et des raies est de plus en plus prise en compte au sein des organismes rĂ©gionaux de pĂȘche (y compris les Organisations RĂ©gionales de Gestion des PĂȘches) et des traitĂ©s internationaux sur la faune sauvage, en particulier la Convention sur le commerce international des espĂšces de faune et de flore sauvages menacĂ©es d’extinction (CITES). Par le biais de diverses actions associĂ©es visant principalement Ă mettre fin Ă la surexploitation des espĂšces menacĂ©es, les gouvernements des Ătats membres sont tenus de limiter la pĂȘche et/ou les exportations Ă des niveaux durables, mais le bilan du respect de ces engagements a Ă©tĂ© gĂ©nĂ©ralement mĂ©diocre jusqu’Ă prĂ©sent. Ă ce jour, les requins et les raies des profondeurs sont encore largement ignorĂ©s.
Une nouvelle Ă©tude a Ă©tĂ© menĂ©e dans le cadre du Global Shark Trends Project (GSTP), une collaboration entre le Groupe spĂ©cialisĂ© sur les requins de l’UICN, l’UniversitĂ© Simon Fraser, l’UniversitĂ© James Cook et l’Aquarium de GĂ©orgie, avec le soutien du Shark Conservation Fund, afin d’Ă©valuer le risque d’extinction des poissons chondrichtyens. L’analyse sur huit ans a impliquĂ© 322 experts du monde entier.
Cette Ă©tude a Ă©valuĂ© 521 espĂšces, classant 60 (11,5 %, plus de deux fois plus que lors du rapport de 2014) dans les catĂ©gories menacĂ©es de l’UICN, soit En danger critique d’extinction (9 espĂšces), En danger (20 espĂšces) ou VulnĂ©rable (31 espĂšces). En considĂ©rant que les espĂšces avec des donnĂ©es insuffisantes sont menacĂ©es dans la mĂȘme proportion que les espĂšces Ă©valuĂ©es, la statistique augmente Ă une sur sept menacĂ©e (14,1 %). Le site web de la liste rouge de l’UICN utilise la valeur la plus Ă©levĂ©e pour exprimer le risque d’extinction Ă l’Ă©chelle mondiale. Deux tiers des espĂšces (323 espĂšces) sont classĂ©s en PrĂ©occupation mineure, et 43 espĂšces sont Quasi menacĂ©es.
Au final, un requin ou raie des profondeurs sur sept est menacĂ© d’extinction, selon les critĂšres de la Liste Rouge des espĂšces menacĂ©es de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Une Ă©quipe d’experts mondiaux souligne que la principale menace pour ce groupe appartenant Ă la mĂ©gafaune des profondeurs est la surpĂȘche, et en particulier leur capture en tant que prises accessoires dans les pĂȘcheries ciblant des espĂšces commercialement importantes.
Dr Rima Jabado, vice-prĂ©sidente de la Commission pour la sauvegarde des espĂšces de l’UICN et prĂ©sidente du Groupe spĂ©cialisĂ© sur les requins de l’UICN, souligne que « les rĂ©sultats de notre Ă©tude mettent en Ă©vidence la nĂ©cessitĂ© de rĂ©guler le commerce de l’huile de foie. Bien qu’il y ait eu un succĂšs significatif dans la rĂ©gulation du commerce des ailerons de requin, des rĂ©glementations spĂ©cifiques pour les requins et les raies des profondeurs sont nĂ©cessaires de toute urgence. Cela pourrait inclure des protections nationales, des rĂ©glementations sur les pĂȘcheries en eaux profondes, ainsi que l’inscription d’espĂšces Ă l’Annexe II de la Convention sur le commerce international des espĂšces de faune et de flore sauvages menacĂ©es d’extinction (CITES). Les requins et les raies des profondeurs ont Ă©tĂ© nĂ©gligĂ©s pendant trop longtemps. Il est maintenant temps d’agir pour empĂȘcher une aggravation de la menace actuelle.«Â
Rappelons que trois espÚces de chondrichtyens sont désormais considérées comme « probablement éteintes » :
- La raie pastenague de Java (Urolophus javanicus) n’a pas Ă©tĂ© observĂ©e depuis 1908.
- La raie torpille de la mer Rouge (Torpedo suessii) n’a pas Ă©tĂ© observĂ©e depuis 1934.
- Le requin perdu (Carcharhinus obsolerus) n’a pas Ă©tĂ© observĂ© depuis 1934.
Les quatre familles de Chondrichtyens les plus menacées sont :
- les poissons-scies ;
- les grandes raies-guitares ;
- les diables de mer
- et les raies aigles pélagiques.
Il existe actuellement une initiative mondiale appelĂ©e 30×30 qui vise Ă protĂ©ger 30 % de l’OcĂ©an d’ici 2030.
Cette nouvelle Ă©tude montre que la protection de 30 % des profondeurs entre 200 et 2 000 mĂštres fournirait une protection spatiale partielle pour environ 80% des espĂšces Ă travers leur aire de rĂ©partition. Si une interdiction mondiale de la pĂȘche en dessous de 800 mĂštres Ă©tait mise en place, cela offrirait un refuge vertical de 30 % pour un tiers (27 %) des requins et raies des profondeurs qui sont menacĂ©s.
Références
- Brittany Finucci et al. ,
Fishing for oil and meat drives irreversible defaunation of deepwater sharks and rays. Science 383,1135-1141(2024). DOI:10.1126/science.ade9121 - Overfishing drives over one third of all sharks and rays toward a global extinction crisis. Dulvy NK, Pacoureau N, Rigby CL, Pollom RA, Jabado RW, Ebert DA, Finucci B, Pollock CM, Cheok J, Derrick DH, Herman KB, Sherman CS, VanderWright WJ, Lawson JM, Walls RHL, Carlson JK, Charvet P, Bineesh KK, Fernando D, Ralph GM, Matsushiba JH, Hilton-Taylor C, Fordham SV and Simpfendorfer CA. (2021) Current Biology 31.
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