la plus puissante sur Terre depuis le Krakatoa en 1883

Le 15 janvier 2022, notre planète a connu une éruption majeure avec l’explosion colossale du volcan Tonga–Hunga dans l’océan Pacifique sud. Il s’agit sans doute de la plus forte éruption volcanique depuis celle du volcan indonésien Krakatoa en 1883

Hunga Tonga-Hunga Ha’apai est un volcan sous-marin de l’Archipel de Tonga situé au nord-est de la Nouvelle Zélande, sur l’arc volcanique Tonga particulièrement actif à cause de la subduction de la plaque Pacifique sous la plaque indo-australienne (de 5 à 8 cm par an).

Il est entré en éruption une première fois en 2009. Puis, entre fin décembre 2014 et janvier 2015, le volcan Tonga a fini par émerger en créant une nouvelle île avec l’accumulation d’énormes volumes de matériaux.

Le 20 décembre 2021, Hunga Tonga est de nouveau entré en éruption avec des explosions violentes et des émissions de matériaux pyroclastiques qui façonnent cette nouvelle île dont le cône volcanique atteint 115 m de haut.

Après une pause de quelques jours, le volcan a connu une violente éruption explosive le 15 janvier 2022 dont la phase de génération de panaches volcaniques a duré pas moins de 11 heures !
La puissance était telle que l’onde de choc, visible depuis les satellites spatiaux a fait le tour du monde et a généré notamment un séisme de magnitude 5,8.

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Tremblement de terre 5.8 généré par l’éruption du volcan Hunga Tonga-Hunga Ha’apai le 15 janvier 2022
Crédit : USGS / notre-planete.info – Licence : CC BY

Onde de choc générée par la puissante éruption du Tonga–Hunga le 15 janvier 2022
Animation : Pr. Mathew Barlow.

Le bruit de l’explosion a été facilement audible des îles Fidji (à 800 km) jusqu’à Auckland (Nouvelle-Zélande) à 2 000 km de l’éruption !

Un colossal panache de cendres, d’eau et de gaz magmatiques – d’une taille équivalent à la moitié de la France – a été émis, au-delà de la stratosphère, jusqu’à 58 km d’altitude, atteignant la mésosphère.

Une éruption phreatoplinienne inédite

Ce type d’éruption est classé sous le nom de phreatoplinien. Une éruption phreatoplinienne se produit lorsque le magma éruptif interagit avec de l’eau extérieure au volcan, telle que l’eau de mer, un lac ou une rivière. Lorsque le magma chaud entre en contact avec cette eau externe, il se produit une vaporisation instantanée, créant des explosions et des panaches de vapeur et de cendres volcaniques. Ces éruptions phreatopliniennes peuvent être extrêmement explosives et générer des nuées ardentes, des projections de lave et des lahars (coulées de boue volcaniques), ce qui les rend potentiellement dangereuses pour les zones environnantes.

Auparavant, ce type d’éruption n’était connu que grâce aux enregistrements géologiques et n’avait jamais été observée avec des instruments scientifiques modernes. L’éruption de Hunga est donc exceptionnelle pour la volcanologie.

L’orage le plus puissant jamais enregistré

Autre conséquence : « cette éruption a déclenché un orage surchargé comme nous n’en avons jamais vu« , a déclaré Alexa Van Eaton, volcanologue à l’United States Geological Survey et responsable d’une étude publiée en juin 2023.

L’orage s’est développé parce que la puissante expulsion du magma a traversé les eaux peu profondes de l’océan, a expliqué Van Eaton. Ainsi, la roche en fusion a vaporisé l’eau de mer, qui s’est élevée dans le panache pour finalement provoquer des collisions électrisantes entre les cendres volcaniques, l’eau surrefroidie et les grêlons. Une « soupe » parfaite pour générer de nombreux éclairs.

Au sein de ce « nuage parapluie », plus de 192 000 éclairs ont été enregistrés, un record, dont 500 000 impulsions ; jusqu’à 2 615 éclairs par minute ont été enregistrés par les capteurs mesurant la lumière et les ondes radio. Certains de ces éclairs ont même atteint des altitudes inédites dans l’atmosphère terrestre, entre 20 et 30 kilomètres d’altitude et jusqu’à 250 km du cratère.

« Il s’avère que les éruptions volcaniques peuvent générer des éclairs plus extrêmes que tout autre type de tempête sur Terre » a déclaré Van Eaton.

Deux tsunamis dont un avec une vague de 90 mètres de haut !

D’après des recherches publiées fin aout 2022 dans Ocean Engineering, la vague générée par l’éruption du volcan Tonga a atteint 90 mètres (c’est neuf fois plus que le tsunami de 2011 au Japon) dans un rayon de 6 km.

Ce résultat a été obtenu en analysant les données d’observation océanique des changements de pression atmosphérique et des oscillations du niveau de la mer, en combinaison avec des simulations informatiques validées avec des données terrain.
L’équipe de recherche a découvert que le tsunami était unique car les vagues ont été créées non seulement par l’eau déplacée par l’éruption du volcan, mais aussi par d’énormes ondes de pression atmosphérique, qui ont fait plusieurs fois le tour du globe. Ce « mécanisme double » a créé un tsunami en deux parties – où les premières vagues océaniques créées par les ondes de pression atmosphérique ont été suivies plus d’une heure plus tard par une deuxième vague créée par le déplacement de l’eau de l’éruption.

Avant l’éruption du Tonga, les plus hautes vagues liés aux tsunamis issus de séismes ont été enregistrées à la suite du tremblement de terre de Tōhoku près du Japon en 2011 et du tremblement de terre chilien de 1960, atteignant 10 mètres de hauteur initiale. Toutefois, celles-ci ont été bien plus destructrices car plus larges et plus proches des côtes.

Face à ces nouvelles données, Le Dr Mohammad Heidarzadeh, secrétaire général de la Commission internationale sur les tsunamis, appelle, avec ses collègues à mettre en place de meilleurs systèmes d’alerte pour détecter les éruptions volcaniques, affirmant que les systèmes ont 30 ans de retard sur les outils de détection des tremblements de terre comparables : Il a déclaré : « Le tsunami des Tonga a tragiquement tué cinq personnes et causé des destructions à grande échelle, mais ses effets auraient pu être encore plus importants si le volcan avait été situé plus près des communautés humaines. Le volcan est situé à environ 70 km de la capitale tongane Nuku’alofa – cette distance a considérablement réduit son pouvoir destructeur ».

Des alertes aux tsunamis ont bien été lancées mais elles n’ont pas détecté la première vague car les centres d’alerte sont programmés pour détecter les tsunamis en fonction des déplacements de l’eau mais pas en fonction des changements de pression atmosphérique.

L’équipe de recherche a également découvert que ce tsunami fait partie des rares évènements assez puissants pour faire le tour du monde – il a été enregistré dans tous les océans et les grandes mers du monde, du Japon et de la côte ouest des États-Unis dans l’océan Pacifique Nord jusque dans la mer Méditerranée.
Les dégâts sont toutefois restés limités, les côtes les plus touchées étant celles de l’archipel des Tonga avec une surcote de + 120 cm à Nukuʻalofa (capitale des Tonga).

D’après les images satellites, l’île volcanique qui avait émergée en décembre 2014 a été quasi intégralement détruite et il ne subsiste que quelques reliefs au-dessus du niveau de la mer.

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L’île d’Hunga Tonga-Hunga Ha’apai avant (à gauche) et après (à droite) l’éruption du 15 janvier 2022
© – Licence : Tous droits réservés

Selon une étude publiée en avril 2022 dans Geophysical Research Letters, l’explosion du Hunga Tonga a éjecté un volume de l’ordre de 10 km3 de matériaux.

Au 18 janvier 2022, l’éruption du puissant Tonga était terminée.

Evaluation de la puissance de l’explosion du Tonga-Hunga

D’après les premières estimations des chercheurs Brian Schmidt et Richard Arculus publiées dans The Sydney Morning Herald, l’éruption 2022 du Hunga Tonga-Hunga Ha’apai serait encore plus puissante que celle du Mont Pinatubo aux Philippines en 1991 mais moins que celle du terrible Krakatoa en 1883 en Indonésie.

L’énergie dégagée lors de l’éruption du Krakatoa en 1883 a été estimée équivalente à une bombe nucléaire de 200 Mt TNT, 4 fois plus que la plus puissante bombe nucléaire à hydrogène jamais testée sur Terre. Dans le cas de Hunga Tonga-Hunga Ha’apai, l’explosion serait comparable à 1 000 fois celle de la bombe d’Hiroshima, soit 15 Mt TNT.
Pour James Garvin, scientifique en chef du NASA’s Goddard Space Flight Center, l’éruption aurait dégagée une énergie d’environ 10 Mt TNT, soit 670 fois Hiroshima.

Eruption volcanique du Tonga-Hunga : quelles conséquences pour notre climat ?

Les éruptions volcaniques majeures sont toujours préoccupantes pour notre civilisation car même perdue au milieu de l’océan Pacifique Sud, leurs conséquences sont planétaires notamment sur le climat, même si elles ne perdurent pas suffisamment longtemps pour contrarier le réchauffement climatique en cours.

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Emissions de dioxyde de soufre suite à l’éruption volcanique du Hunga Tonga-Hunga Ha’apai, le 17 janvier 2022
Auteur : Copernicus / Windy – Licence : DR

Tout comme le Pinatubo en 1991, d’importantes émissions de dioxyde de soufre (SO2) ont été émises (environ 400 000 tonnes) et pourraient engendrer un refroidissement planétaire ponctuel (-0.6°C pendant 15 mois dans le cas du Pinatubo).

En plus des émissions de dioxyde de soufre, d’importantes quantités de vapeur d’eau ont été rejetées jusque dans la stratosphère : 150 millions de tonnes d’eau, principalement entre 20 et 30 km d’altitude.

Or la vapeur d’eau a un effet refroidissant sur le climat en bloquant le rayonnement solaire. Et c’est ce qu’observent les satellites dans la stratosphère de l’hémisphère sud : des anomalies négatives de température jamais vues depuis plus de 40 ans.


Températures de la moyenne stratosphère entre 25 et 65° de latitude sud pour 2021 et 2022.
© NOAA

Conséquences de l’éruption du Tonga sur l’ozone

Les éruptions volcaniques peuvent affecter le climat et la chimie de l’ozone.

Une étude publiée dans Science en octobre 2023 et dirigée par une chercheuse du CNRS-INSU, a combiné des mesures in situ sous ballons météorologiques, par télédétection au sol lors d’une campagne intensive à l’observatoire du Maïdo (La Réunion) et des données satellites pour comprendre l’impact initial de l’éruption sur l’ozone stratosphérique.

L’humidification de la stratosphère associée à un refroidissement radiatif a favorisé des réactions chimiques à des températures inhabituelles à la surface d’aérosols volcaniques. Ces réactions ont produit des espèces actives de chlore (e.g. ClO), à partir de chlore inactif (HCl), entraînant une destruction catalytique de l’ozone.

En seulement une semaine, la concentration d’ozone stratosphérique au-dessus du sud-ouest du Pacifique et de l’océan Indien a diminué de 5%. Cette diminution prend tout son sens lorsqu’on la compare au trou dans la couche d’ozone de l’Antarctique, où jusqu’à 60 % de l’ozone est détruit chaque année sur plusieurs mois. La diminution de l’ozone dans la région tropicale dépasse celle des éruptions précédentes, soulignant le caractère exceptionnel de l’éruption du Hunga Tonga.





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