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Si l’Europe se targue d’avoir l’une des meilleures espérances de vie au monde, c’est sans prendre en compte le degré d’incapacité des personnes âgées. Or, le suivi de l’indicateur « espérance de vie en bonne santé » montre que l’allongement de l’espérance de vie ne permet pas forcément d’en profiter. C’est particulièrement vrai pour la France alors que la réforme des retraites est toujours massivement contestée.
Bien que l’espérance de vie (à la naissance) soit en constante augmentation dans les pays de l’Union européenne, vivre plus longtemps n’est pas toujours synonyme de « bien vieillir ». Savoir jusqu’à quel âge une personne vit réellement en bonne santé est une question qui prend tout son sens dans le cadre du report progressif de l’âge de départ à la retraite, notamment en France avec la réforme des retraites qui va progressivement atteindre 64 ans…
« L’espérance de vie à la naissance est l’un des indicateurs de santé correspond au nombre moyen d’années qu’une génération fictive peut espérer vivre en étant soumise, à chaque âge, aux conditions de mortalité d’une année donnée. Il ne s’agit donc pas d’un indicateur prédictif mais d’un indicateur synthétique de mortalité puisqu’il est difficile d’anticiper les progrès sanitaires à venir. » (Drees, 2019)
Ainsi, vivre longtemps n’est pas forcément bénéfique si cela s’accompagne d’une souffrance et/ou déficience physique, morale ou intellectuelle. C’est pourquoi, l’« espérance de vie en bonne santé » ou encore « espérance de santé », mesure le nombre d’années qu’une personne peut compter vivre sans souffrir d’incapacité dans les gestes de la vie quotidienne.
Cet indicateur est calculé d’après la question posée dans le cadre du dispositif européen European Union Statistics on Income and Living Conditions (UE-SILC) : « Êtes-vous limité(e), depuis au moins six mois, à cause d’un problème de santé, dans les activités que les gens font habituellement ? ».
L’espérance de vie en bonne santé et l’espérance de vie sans incapacité sont des indicateurs différents.
L’espérance de vie en bonne santé (ou espérance de vie en santé) mesure la durée moyenne de vie d’une personne en maintenant un niveau de santé jugé satisfaisant ou bon, sans altérer sa qualité de vie.
L’espérance de vie sans incapacité (ou espérance de vie sans limitation d’activité) mesure la durée moyenne de vie d’une personne sans prendre en compte les années potentielles de vie avec une incapacité.
L’espérance de vie et l’espérance de vie en bonne santé en Europe
En 2020 l’espérance de vie en bonne santé s’établissait à 59,5 ans pour les hommes de l’Union européenne (EU27) ; ce qui représente 76 % de leur espérance de vie à la naissance (77,5 ans). L’EVSI a atteint 62,3 ans pour les femmes ; ce qui représente près de 75 % de leur espérance de vie à la naissance (83,2 ans). Autrement dit, un(e) européen(ne) peut espérer passer plus des 3/4 de sa vie en bonne santé.
L’espérance de vie et l’espérance de vie en bonne santé en France
Entre 2000 et 2020, l’espérance de vie a augmenté pour les hommes (+3,9 ans) comme pour les femmes (+2,4 ans).
L’espérance de vie en bonne santé en 2023 s’élève à 67 ans pour les femmes et 65,6 ans pour les hommes, à mettre en regard des âges prévus pour les futurs retraités (64 ans et plus) qui ne profiterons que peu de leurs pleines capacités. Autrement dit, le départ en retraite sera aussi le moment où l’on n’est plus capable de vivre comme avant, la retraite ne pourra donc plus vraiment être un moment de repos et de loisirs.
| 1995 | 2000 | 2005 | 2010 | 2015 | 2020 | 2023 | ||
|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
| Femmes | EVSI | 62,4 | 63,2 | 64,6 | 63,5 | 64,4 | 65,9 | 67 |
| Espérance de vie | 81,9 | 82,8 | 83,8 | 84,6 | 85,1 | 85,2 | 85,2 | |
| Hommes | EVSI | 60 | 60,1 | 62,3 | 61,8 | 62,6 | 64,4 | 65,6 |
| Espérance de vie | 73,9 | 75,3 | 76,7 | 78 | 79 | 79,2 | 79,3 | |
Vivre plus longtemps mais à quel prix ?
Ces informations nuancent fortement le formidable espoir que suscite l’allongement de la durée de vie. Trop souvent, on considère cette augmentation comme la preuve irréfutable que notre mode de vie, pourtant désastreux pour l’environnement et donc pour notre santé, est le meilleur qui puisse être pour les humains.
En effet, l’environnement en France est dans un triste état : les eaux sont polluées, l’air est malsain dans les agglomérations, la biodiversité ne cesse de reculer alors que nos campagnes sont massivement contaminées par les pesticides…
Dans le même temps, l’exploitation industrielle aberrante du vivant engendre des scandales sanitaires. Nous sommes de plus en plus exposés à des substances chimiques cancérigènes via les cosmétiques et les produits alimentaires, tandis que nos comportements ne s’améliorent pas franchement : sédentarité, cigarette, alcool, drogues, médicaments à tout va… A ce titre, l’Europe est le continent où l’on meurt le plus du tabac et où l’on consomme le plus d’alcool…
Résultat : les maladies dites émergentes et les cancers sont en explosion. En 2017 Santé Publique France estimait à près de 400 000 les nouveaux cas de cancers en France, un nombre en augmentation constante. Les causes sont multiples mais pour l’Anses, seulement 5 à 10 % ont une cause endogène (altération génétique). Les autres, soit 90 à 95 % des cancers, sont liés à des causes exogènes, c’est-à-dire, à l’environnement au sens large. Celui-ci inclut les modes de vie (tabac, alcool, sédentarité, habitudes de consommation alimentaire, exposition solaire…) et les expositions à des facteurs environnementaux, aux agents chimiques, physiques et infectieux de l’environnement général et professionnel.
L’espérance de vie en bonne santé est donc un indicateur précieux pour mieux appréhender les conditions de notre fin de vie et en finir avec cet optimisme béat : vivre plus vieux ne signifie pas forcément vivre pleinement son 3e âge voire 4e âge et cela change tout. Maintenir la vie coûte que coûte et en profiter sont tout à fait différents.
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